Midi de Cloé Korman - Chronique n°434

Titre : Midi
Auteure : Cloé Korman
Genre : Contemporain
Editions : Seuil 
Lu en : français
Nombre de pages : 210
Résumé :
 Dans l'hôpital parisien où elle exerce, Claire voit arriver Dominique, un ancien amant. La maladie de Dom, déjà à un stade très avancé, met en échec ses qualités de médecin et fait resurgir le souvenir de leur rencontre. Quinze ans plus tôt, Claire est partie à Marseille, avec son amie Manu, travailler dans le théâtre associatif que dirigeait Dominique. Au milieu d'un groupe d'enfants occupés à apprivoiser la scène et embarqués dans une adaptation tumultueuse de La Tempête de Shakespeare, elles sont troublées par une silhouette fragile : celle d'une petite fille marginale, aussi mal à l'aise dans sa famille que parmi les autres enfants, et qui semble les appeler à l'aide. Pourtant la joie de l'été, la découverte du désir et le cercle des silences coupables les empêchent de prendre conscience du drame en train de se nouer. Cloé Korman nous entraîne dans une enquête sur le mystère d'une violence exposée devant tous, en plein soleil, et néanmoins inapprochable.

-----------------------------------------------------------------

C'est l'été. Claire et Manu ont 18 ans, une année d'études supérieures derrière elles seulement, et un contrat d'animatrices dans une troupe de théâtre associative, à Marseille. 
Cette année, ils monteront La Tempête de Shakespeare, à la sauce Dom.
Dom, c'est Dominique, le dirigeant de la troupe, qui a quelques années de plus qu'elles et une volonté d'acier. C'est lui qui remanie le texte, répartit les rôles entre les vingt enfants âgés de dix à douze ans qui forment la troupe, c'est lui aussi qui séduit Claire. 

Et pourtant.
Quinze ans plus tard, c'est bien ce même Dominique qui gît désormais étendu dans un lit d'hôpital, blafard, dévasté par une maladie qui ne va pas tarder à avoir sa peau. Le Dom solaire des calanques de l'été 2000 a disparu. Reste en face de lui une Claire désemparée et impuissante malgré le diplôme de médecin qu'elle a obtenu entre temps. 


Que peut-elle faire ? L'éviter ? A quoi bon ? 
Le soigner ? Comme s'il y avait encore quelque chose à faire. 
Le renvoyer chez lui ? Elle n'en a pas le cœur. 
Répondre à ses sourires et à ses messages ? Ce n'est sans doute pas judicieux, mais c'est l'option qu'elle finit par choisir. Parce qu'il n'y a jamais eu d'acte final entre Dom et elle, pas la moindre explication sur ce qu'ils ont vécu ensemble. 

Midi est donc le récit de la réminiscence de Claire, confrontée de plein fouet à cinq semaines qu'elle aurait préféré enfouir au fin fond de sa mémoire. Midi, c'est bien entendu une lumière, celle du zénith, d'un été brûlant dans une région desséchée. Midi, c'est une énergie flamboyante, celle d'une journée qui commence à peine, d'une petite horde d'enfants surexcités et incontrôlables, celle d'un malaise indicible qui vient petit à petit ronger les trois animateurs sans qu'aucun n'ait la force de mettre les mots dessus ou d'agir. 

Cloé Korman écrit de longues phrases pleines de virgules et d'allers-retours, à l'image des pensées torturées d'une narratrice qui s'est enfermée dans un carcan de normalité, circulez, tout va bien, rien à voir. Elle se glisse à merveille dans la peau de cette jeune femme pleine de défauts, une anti-héroïne presque, que le lecteur voudrait urger à agir et contemple, impuissant, mener tout le groupe vers sa perte par son aveuglement et sa passion égoïste pour Dominique. 

Mais Claire n'est pas un monstre, Dominique et Manu non plus, pas plus que l'enfant qui est à la source de ce malaise. Ce sont des humains, étourdis par les rayons du soleil d'été qui les distraient de ce qui compte vraiment. Ecouter. Prendre sur soi. Agir en conséquence. 

Claire n'est que la voix tremblante, mal assurée, mentant à tous et surtout à elle-même, dans un roman assez fulgurant, une histoire révoltante, mais qui a le mérite d'être délivrée sans jugements moraux péremptoires. Peut-être peut-on reprocher à Midi de ne pas aller encore plus loin dans son dévoilement de la vérité, dans son exploration du personnage de Dom - si on comprend assez vite ce qui empêche Claire d'être lucide, qu'est-ce qui pousse en revanche Dominique à se montrer si borné, si inconscient ? Mais le livre en lui-même demeure plus que prenant, suave, et surtout retournant, avec ses dernières pages fracassantes, qui nous laissent comme sonnés, nous aussi victimes de cette insolation dévastatrice.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

U4 – Koridwen d'Yves Grevet — Chronique n°120

Le Choix d'Isabelle Hanne [Littérature]