Go Tell It On The Mountain de James Baldwin - Chronique n°431

Titre : Go Tell It On The Mountain
Auteur : James Baldwin
Genre : Fiction autobiographique
Editions : Penguin Books (Modern Classics)
Lu en : anglais
Nombre de pages : 256
Résumé : Go Tell It On The Mountain, first published in 1953, is Baldwin's first major work, a semi-autobiographical novel that has established itself as an American classic. With lyrical precision, psychological directness, resonating symbolic power, and a rage that is at once unrelenting and compassionate, Baldwin chronicles a fourteen-year-old boy's discovery of the terms of his identity as the stepson of the minister of a storefront Pentecostal church in Harlem one Saturday in March of 1935. Baldwin's rendering of his protagonist's spiritual, sexual, and moral struggle of self-invention opened new possibilities in the American language and in the way Americans understand themselves.

-------------------------------------------------------------------------

Existe également en français 

Titre : La Conversion
Editions : Rivages
Traduit par : Michele Arbaret-Maatsch
Résumé : Au soir de ses quatorze ans, dans une boutique désaffectée de Harlem, au milieu des prières et des trépignements cadencés de ses frères, au rythme hallucinant des tambourins, John Grimes traverse sa nuit noire. Tourmenté par l'idée de péché, après être allé jusqu'aux racines de sa culpabilité, il lui semble à l'aube du dimanche avoir connu son moment de vérité. Dans ce premier roman écrit en 1952, James Baldwin raconte, avec des accents d'une sincérité déchirante, à la fois son expérience et une odyssée collective, celle d'une famille aux attitudes violemment contrastées, celle d'un peuple venant du Sud rural dans un ghetto du Nord. Ce roman, devenu un classique, est un des premiers livres sur la condition des Noirs.

--------------------------------------------------------------------------

“There are people in the world for whom coming along is a perpetual process, people who are destined never to arrive.” 


Go Tell It On The Mountain is a long, dense and demanding read. It is not long because it is five-hundred-pages-long or so, but rather because of the profoundness of the thoughts its author shares within it. It is not dens because it is messy, but rather because of its complex  and deeply satisfying structure that cannot but shake the reader. It is finally not demanding because it is impossible to understand, but on the contrary, because Baldwin's tale is incredibly moving, thought-provoking, and pushes each reader to question his own psyche, his own history, even though he probably hasn't much in common with John, a fourteen-year-old black boy living in Harlem. 

The story only takes place through the course of a day, and actually even less, through the course of a religious office. It depicts successively the minds of four characters: John - clearly Baldwin's alter ago -, his aunt Florence, his stepfather Gabriel and Elisabeth. 

John, who feels completely at a loss and is about to live a true religious epiphany. 
Florence, who fears she will never be able to go over her husband's death, or to become to her brother's eyes somebody else than the traitor sister who left the family house, so long ago, so long it seems like a life ago. 
Gabriel, the pastor, so consumed with hatred and furor it seems like a matter of days before he will burn. Except he has been living this way for years.
Elisabeth, who still lives in her own remorse and shame years after mistakes she was never able to forget. 

And so their plaintive and hurt voices rise, each one in its own chapter, in echo with one another. These stories form "prayers", tales of loss, of desire, of sin, of complete errance, incredibly richly narrated by Baldwin's prose, and slowly form the testament of a whole family deprived of its own purpose and identity. Who are John, Florence and the others? Citizens or strangers, friends or ennemies, individuals of members of a community, children or parents? How could they escape to the cycle of violence that keeps harassing them, will they ever be able to do so? 

Obviously, the reader cannot forget how real and personal this novel is. These questions are the ones that grasped Baldwin years and years ago and kept torturing him since, the family depicted is his own, and the detachment he tries to create by using a third-person narrative makes no fool. This is his story, his own prayer. 

And let me tell you it is a beautiful one. Rarely have I read a novel that manages to keep a both violent and soft tone, with such raw honesty, without ever becoming gratuitously spectacular or intrusive. No wonder Baldwin is such a respected writer, only a few decades after his novels came out. He is a master of his art,  sensitive, truthful to himself and to his characters, and of course, able to plunge his readers into the purest compassion as well as the blindest hatred. In a few words : it's brilliant. 

--------------------------------------------------------------------------

"Il y a des gens pour qui avancer est un processus perpétuel, des gens qui sont destinés à ne jamais arriver."

Go Tell It On The Mountain est une lecture longue, dense, exigeante. Elle n'est pas longue par son nombre de pages, mais par la richesse de la réflexion que partage son auteur. Elle n'est pas dense par son caractère désordonné, mais au contraire par sa construction riche et profondément satisfaisante, dans le sens où lorsque le roman s'achève, le lecteur ne peut qu'être secoué par ce qu'il vient de découvrir. Elle n'est enfin pas exigeante à cause d'un propos incompréhensible, mais justement parce que ce que raconte Baldwin ne nous parle que trop bien, et nous pousse à interroger notre propre intériorité, notre propre histoire, quand bien même le destin de ce jeune adolescent noir à Harlem et celui de sa famille nous sont on ne peut plus étrangers. 

Ce livre se déroule sur un laps de temps extrêmement resserré, une messe, un prêche, à peine une heure, mais il s'étale en réalité sur des décennies et des décennies en revenant sur les parcours de plusieurs de ses personnages. 
Il y a John, dont personne ne mettra plus de quelques pages à comprendre qu'il s'agit de l'avatar de James Baldwin.
John a quatorze ans. John est perdu, haï par son père, isolé dans son propre foyer, à la dérive. Mais John s'apprête à connaître une révélation, une épiphanie, qui va bouleverser son existence. 
Et puis autour de lui, comme une nouvelle sorte de trinité, il y a les adultes.
Il y a Florence, sa tante. Florence et son mariage entaché de tellement de souvenirs malheureux, Florence qui, si elle a beau être là désormais, restera toujours aux yeux de son frère celle qui a déserté la maison familiale.
Il y a Gabriel, son père. Gabriel est pasteur, terrifiant d'autorité, maître partout où il pose les pieds. Mais ça, c'est comme partout, c'est uniquement la théorie.
Il y a Elisabeth, sa mère. Elisabeth si silencieuse, si docile, qui révère son mari, à moins qu'elle ne soit en réalité trop apeurée par sa personnalité envahissante pour oser protester. Ou trop reconnaissante ? 

Petit à petit, les voix lancinantes et plaintives de ce quatuor se déploient, en des "prières" même, comme sont intitulés les chapitres qui leur sont à chacun consacrés. Ensemble, ces témoignages forment une complainte terriblement émouvante, celle de toute une famille sans repères, qui ne cesse de se heurter sans cesse à la violence dans ce qu'elle a de plus déshumanisant, qui se sent comme condamnée à répéter sans cesse les mêmes erreurs. Mensonges, tromperies, trahisons, envers les autres, envers soi-même. 

La question qui se forme enfin est celle de l'identité, bien évidemment, celle que l'on croit avoir, celle que l'on s'est vu assigner, celle que l'on aimerait acquérir. Ici, c'est celle d'enfant de ou de parent de, d'individu ou de membre d'une communauté, d'étranger ou de citoyen, d'allié ou d'ennemi, bref, autant d'étiquettes contradictoires qui vont pourtant souvent se superposer. C'est magnifiquement écrit, c'est poignant, c'est mûrement réfléchi - digéré même - par un auteur qui ne parvient jamais tout à fait oublier que c'est avant tout son propre destin qui se joue sous les yeux de ses lecteurs. 

On comprend donc très vite la renommée de James Baldwin à partir de ce simple texte, qui parvient par sa simplicité apparente à retourner le lecteur, à éveiller sa haine, sa compassion, son doute, pour un roman marquant à plus d'un égard, et qui atteint des sommets dans la tension dramatique - ne serait-ce qu'avec son épilogue. A découvrir sans hésiter !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker - Chronique n°426

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

À la place du cœur d'Arnaud Cathrine — Chronique n°241