La Danse des Vivants d'Antoine Rault - Chronique n°258

"Je ne pense pas, je sais ce que j'ai à faire. À la guerre, tout se simplifie. Vivre, c'est juste ne pas mourir."

Titre : La Danse des Vivants
Auteur : Antoine Rault
Genre : Historique
Editions : Albin Michel
Lu en : français
Nombre de pages : 488
Résumé : Eté 1918. Dans un hôpital militaire, un jeune homme se réveille amnésique. Il a tout oublié de son passé, jusqu’à son nom, mais parle aussi bien le français que l’allemand.

Les services secrets français voient en lui l’espion idéal. Ils lui donnent l’identité d’un mort allemand. Mais peut-on être un autre quand pour soi-même on est personne ?
Grande fresque historique et roman d’aventures captivant, où personnages imaginaires et réels se côtoient, La danse des vivants nous entraîne dans une épopée à travers l’Allemagne de Weimar. C’est toute l’Europe de l’entre-deux-guerres déchirée par la violence des nationalismes et des idéologies que nous dépeint l’auteur à travers ce héros sans mémoire.
De surprises en surprises, une réflexion sur l’identité et le destin de l’homme emporté et bouleversé par la marche de l’Histoire.


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A l'été 1918, alors que les combats sur le front continuent avec plus de brutalité que jamais mais que l'issue de la guerre est déjà inéluctable, un soldat français se réveille dans un hôpital de campagne. Extrêmement cultivé et surtout bilingue en français et en allemand, il se révèle cependant totalement amnésique quant à son propre passé... Et constitue ainsi très vite le candidat idéal à une mission d'espionnage en Allemagne, afin de contrôler de l'intérieur le comportement des futurs vaincus...

Ce récit vous paraît alléchant ?
Il est aussi captivant qu'il en a l'air.
Et que diriez-vous si je mentionnais de façon totalement innocente et absolument pas destinée à vous donner envie de vous ruer sur ce titre que ce roman est doublé d'une dimension historique exceptionnelle, et permet de saisir avec plus de justesse que ne le permettra jamais un manuel d'histoire la souffrance profonde des peuples après la guerre, l'humiliation allemande, le casse-tête politique européen et même mondial qu'est la tentative de reconstruction d'une paix que l'on sait de toute façon désespérément fragile, la montée des nationalismes ?

Vous ne diriez rien. Vous vous précipiteriez comme le ferait toute personne sensée dans la librairie la plus proche. Tout simplement.

La connaissance approfondie de l'auteur de la fin de la Première Guerre mondiale et des mois qui la suivent est réellement impressionnante : entre analyses politiques d'une grande clarté, portraits convaincants de grandes figures de l'époque telles que Clemenceau ou Wilson, retranscription de cette atmosphère si tendue et de ces esprits si meurtris après de telles abominations, on est tout simplement sous le charme. 

Loin d'être un tissu illisible de savoirs, La Danse des Vivants jouit d'une écriture d'une fluidité remarquable et toujours très expressive, d'une propension à l'hypotypose - la création de petits tableaux saisissants au sein du récit - tout à fait appréciable, et surtout d'une tension permanente et d'un personnage principal auquel il est humainement impossible de ne pas s'attacher.
Mais un attachement style quadruple ceinture de sécurité cadenassée, je précise.Style "s'il arrive quoi que ce soit à cet homme, je file sous les roues d'un 4x4". Sans disproportion aucune.

Surtout, La Danse des Vivants permet une grande clairvoyance à propos de l'après-guerre à propos du statut de chaque camp après la guerre. Non, la France et ses alliés ne se sont pas comportés en humbles vainqueurs. Non, les Allemands n'étaient pas des monstres belligérants assoiffés de sang qui ont bien mérité leur défaite. Tous partageaient la même responsabilité, les mêmes ressentiments et les mêmes tensions, mais tous n'ont pas eu les mêmes moyens de s'exprimer.

Un roman intelligent et intelligible, subtil et ironique, qui réunit des qualités rares : la richesse historique et culturelle, la fluidité de la narration, la tension permanente au sein de l'intrigue. Un titre obsédant dans lequel on n'a d'autre choix que de s'immerger passionnément, aussi bien réussi sur le plan romanesque qu'historique, à mettre entre toutes les mains.
Même de force. OUI. DE FORCE.


Avertissement : ouvrir La Danse des Vivants signifie à renoncer à toute vie sociale pendant toute la durée de sa lecture. Je vous aurai prévenus.

Note attribuée : 10/10

Commentaires

  1. Moi qui suis fortement intéressé par cette période, il peut me plaire ! Merci pour la découverte :)

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    1. Je te le confirme, il s'intéresse de façon vraiment passionnante à cette époque, alors n'hésite pas !

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