Quelques films estivaux [Capucinéphile]


On y est, on l'a mérité, l'été arrive, et avec lui (pourquoi pas) l'envie de cultiver quelques douces soirées à découvrir de nouveaux films (ou à renouer avec ceux qu'on aime déjà). 
L'un de mes grands plaisirs cinéphiles consiste en effet à choisir tout un tas d’œuvres ancrées dans la saison en cours et de les savourer en pensant en boucle "eh oui, c'est bel et bien l'été ici aussi les gars", comme pour m'autocongratuler du fait que oui, on est bien en été et que le film que je suis en train de regarder me le prouve. 
(Fonctionne aussi avec les films de rentrée, de Noël, d'Halloween, de vacances, bref, on a le choix).
Voici donc sans plus attendre quelques pistes de films qui sauront parfaitement créer et/ou prolonger l'ambiance estivale que l'on commence à entrevoir, avec l'avantage de refléter des étés autrement plus tranquilles ou dépaysants que celui que nous nous apprêtons sans doute à vivre. On s'adapte, qu'est-ce que vous voulez.

Qu'entend-on par film estival ? 

Bon, qu'on s'entende, l'été, c'est un vaste sujet. D'ailleurs, plus de la moitié des tournages de cinéma ont lieu l'été, pour des raisons assez évidentes de clémence météorologique. L'idée ici est donc davantage de vous proposer des films qui, en plus de se dérouler effectivement l'été, creusent les thématiques qui y sont propres. 

Un film d'été implique l'idée d'un film léger, d'une bouffée de fraîcheur (je pense notamment à tout un tas de films sur les colonies de vacances ou les escapades en bord de mer, auxquels je consacrerai peut-être un article un jour).  J'ai donc pensé à deux films pour illustrer ce besoin d'échappatoire sans contrainte ni tension, avec un premier titre vraiment 100% légèreté, et un autre peut-être plus recherché (si tant est que le mot "recherché" veuille dire quelque chise) mais tout aussi réjouissant.

Certaines oeuvres sont même carrément dédiées à pousser l'image d'Epinal jusqu'au bout, et à créer une idylle façon "été conte de fées" dans le but d'enchanter le spectateur, comme c'est le cas du premier film que je vous conseillerai ici. 

L'été est encore une saison souvent choisie pour illustrer la maturation d'un personnage : c'est le moment privilégié pour se couper du monde, se recentrer, grandir. C'est toujours là que les personnages de nos fictions plongent dans l'adolescence, en ressortent aussi, et qu'ils découvrent leur sens, leurs désirs, leurs passions. Je vous propose ainsi deux autres titres pour creuser cette idée de l'été comme moment d'éveil des sens et de passage à l'âge adulte

L'été est aussi et surtout une saison intense, brutale même parfois, le moment de l'année où tous les sens sont exacerbés, la patience usée et les rencontres les plus électriques. De nombreux films exploitent de façon très intelligente cette idée de saison-détonateur, d'un été comme moment de la rupture, de l'aventure, de l'interdit, de la transgression, et j'en ai retenu trois pour vous. 

Impossible enfin de passer à côté d'un sous-genre aussi particulier que plaisant : les films de surf, qui fonctionnent souvent comme de véritables réflexions sur des existences alternatives, la pratique d'un sport comme moyen d'intégrer une communauté et de se révéler à soi-même. J'ai deux exemples en tête, je les partage avec vous plus bas.

Voici donc, sans plus tarder, la fameuse liste (vous allez voir, ça commence fort et audacieux) : 

L'été comme pure légèreté
Mamma Mia ! de Phyllida Lloyd (2008) : qu'est-ce que vous voulez, on ne se refait pas, je ne jure que par les comédies musicales et c'est comme ça. J'ai une affection toute particulière pour celle-ci, pour son côté délicieusement over-the-top, voire carrément niais, le fait qu'on s'accorde globalement tous pour la mépriser en société mais qu'on soit globalement très content de se la repasser de temps en temps, et sa propension inouïe à transporter son public dans un ailleurs radieux et éblouissant où tout est plus intense et plus romanesque. Mamma Mia est la meilleure façon de se propulser dans un été parfait, du genre qui n'existe pas mais dont on peut quand même profiter.
Moonrise Kingdom de Wes Anderson (2012) : peut-être mon film préféré de Wes Anderson (en même temps, je dis ça de chaque film de Wes Anderson donc ne me prenez pas trop au sérieux là-dessus). Merveilleuse histoire, qui s'offre presque comme un récit initiatique, où tout ce que le cinéma d'Anderson peut avoir de doux, de fantasmagorique, de magique et d'enfantin se confronte comme souvent chez lui au contexte le plus dur et glaçant qui soit, dans une antithèse qui ne rend le tout que plus convaincant. On se retrouve à adopter le point de vue des enfants, celui du bricolage, de l'adaptation, du charme qu'on finit par trouver à la moindre situation, et on s'embarque dans cette aventure carrément glauque d'un point de vue extérieur avec passion, émerveillement, et même légèreté. Pour ne rien gâcher : casting irréprochable, image splendide (du jaune ! partout du jaune !), beaucoup beaucoup d'émotions. Le film a ses défauts (trop long, se repose parfois un peu sur sa perfection visuelle pour compenser son rythme inégal), mais honnêtement, qu'est-ce que c'est poétique. Qu'est-ce que c'est beau. J'adore.

L'été comme enchantement

Vacances romaines - Film (1953) - SensCritique
Vacances Romaines de William Wyler (1954) : le pur film d'idylle de vacances, l'histoire à la fois attendrissante et parfois naïve d'une princesse déterminée à vivre enfin, ne serait-ce que l'espace de quelques heures, loin du regard scrutateur des journalistes et de sa famille, et qui se retrouve ainsi embarquée dans une odyssée infiniment légère et infiniment réjouissante avec un reporter plus que charmant. Bien sûr, le tout reste prévisible (l'amour impossible, tout ça tout ça) mais tellement spontané dans son exécution qu'il est difficile de ne pas se laisser toucher (et encore moins lorsqu'on a vu ce film jeune et de nombreuses fois, comme mon humble personne, auquel cas le récit prend carrément des airs de conte de fées). Le film dévoile une Rome certes fantasmée, mais avec un tel enthousiasme et un tel sens du romanesque que le charme opère forcément. 
(Et qu'on se le dise, tout ça est dû à la performance d'Audrey Hepburn à hauteur de 92%).

L'été comme éveil des sens (et exploration de l'âge adulte)
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Call Me By Your Name de Luca Guadagnino (2017) : je sais, archi attendu, déjà archi classique, mais c'est probablement pour ce film avant tout que j'écris cet article, permettez-moi donc de vous en toucher un mot. Vous avez déjà probablement tout entendu à propos de ce film, l'alchimie incroyable entre ses deux protagonistes, la pellicule sensorielle, presque palpable, la lumière foudroyante, le naturel désarmant des acteurs dont les dialogues semblent fuser dans le naturel le plus total. Vous vous êtes peut-être même étourdis comme moi de la bande originale, qui sait. Dans tous les cas, vous avez besoin de voir ce film, de vous précipiter vers ces deux heures de plongée hyper-réaliste dans l'été le plus important de l'existence d'Elio. On se prend d'affection pour sa famille volubile et polyglotte, on s'émerveille d'une Italie à laquelle Elio est déjà bien habitué mais qu'il redécouvre à travers le regard d'Oliver, on se surprend à pleurer (juste un peu), à rire, et surtout à se rêver poète, héros ou aventurier, le temps de vivre jusqu'au bout cette oeuvre à la sensualité folle.
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Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen (2008) : j'avoue être assez cliente de ce genre de films de Woody Allen, très écrits, avec un effort visible sur la narration et la construction du récit, très peu de personnages, beaucoup de dialogues et surtout beaucoup de drama. Tout repose sur l'énergie circulant entre les acteurs, et bingo, dans ce film-ci, le charme opère dès les toutes premières scènes. A mi-chemin entre le théâtre de boulevard, la tragédie et la comédie romantique, on assiste aux atermoiements amoureux des trois protagonistes, certes, mais surtout au déploiement de leur furieuse envie de vivre, créer, renverser, oser quitte à tout perdre. C'est le film de l'âge adulte qu'on a rechigné à voir arriver et qu'on veut désormais rendre signifiant, le film de la personnalité qu'on croyait trop figée pour changer, mais qu'on se découvre encore capable de faire évoluer. C'est le film des amitiés qui n'en sont pas, des voyages qu'on a très bien fait d'entreprendre, des retours qu'on choisira (ou non) d'effectuer. Pépite.

L'été comme lieu de la transgression
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La Piscine de Jacques Deray (1969) : classique parmi les classiques (l'argument "c'est un classique" ne vaut rien, on est d'accord, mais bon, il me fallait bien trouver une façon d'introduire le film), La Piscine, c'est ce duo iconique (irremplaçable ?) formé par Alain Delon et Romy Schneider, film très particulier dont je conçois totalement qu'on puisse ne pas y adhérer (pour faire court : c'est parfois long), mais auquel je trouve malgré tout un côté parfait, non pas parce qu'il est exempt de défauts (spoiler : il en a), mais parce qu'il arrive à faire quelque chose de très rare pour un film, à savoir créer instantanément une mythologie propre, une imagerie qui lui appartient, une aura dont on sait tout de suite une fois le visionnage achevé qu'on ne s'en détachera pas. C'est peut-être la phrase la plus clichée qui soit, mais on ne voit plus une piscine de la même façon après avoir vu La Piscine. Promis, si je vous ai sorti un pareil poncif, c'est que c'est justifié. La Piscine déclenche un regard nouveau chez le spectateur, mélange de voyeurisme, de pitié, d'horreur et de magnétisme, confronte le désir au dégoût dans des scènes mémorables, et cultive une sorte de "culture de la passivité/de l'indifférence/du flegmatisme" qui est en tous points détestable, mais aussi et surtout mémorable.
Plein Soleil de René Clément (1960)/ The Talented Mr Ripley d'Anthony Minghella (1999) : je crois que ça doit bien faire quatre ou cinq fois que je parle de ces films/romans sur ce blog, mais tant pis, j'assume, c'est la vie que j'ai choisi de mener et il faut croire que Tom Ripley est plus ou moins désormais la mascotte de ce site. Plein Soleil donc, pour commencer, est un film visuellement pas loin de la perfection (et je pèse mes mots). Je veux dire, regardez cette affiche. Cette simple affiche. 
Au-delà de ça, c'est du pur cinéma français un peu daté comme je l'aime, avec une pellicule soignée, des dialogues écrits juste comme il le faut, un jeu théâtral sans jamais être grossier ou exagéré, une dramaturgie rythmée au cordeau et une tension intense. On passe deux heures à être à la fois fasciné et hypnotisé par un Alain Delon sans doute au sommet de sa carrière (bon, il ne faut pas exagérer, La Piscine c'était dix ans plus tard et il était là aussi convaincant, mais je le trouve infiniment plus juste et marquant ici. Encore une fois, avis hautement personnel et critiquable). Plein Soleil donc, c'est le même soleil que celui qui fait complètement vriller Meursault dans L'Etranger, la lumière chirurgicale qui dissèque les pires travers de l'être humain, expose leurs crimes (ou pas), fait accéder le spectateur/lecteur à quelque chose de mauvais, puissant, et peut-être même universel, qui sait. Film très original, puisque pur produit français alors même qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman américain transposé sur la Côte d'Azur. Quoi qu'il en soit, c'est plus que réussi. Foncez.

Le Talentueux Mr Ripley/Talented Mr Ripley est plus américain (logique, puisqu'il est... américain) dans son écriture et sa mise en scène, plus lissé, avec des dialogues plus classiques et un métrage un tantinet longuet, mais auquel on ne peut retirer sa cohérence, sa fulgurance presque, et sa capacité à plonger sans prévenir son spectateur dans une parenthèse aussi terrible que géniale, été cruel qui déclenche prises de pouvoir et descentes aux enfers, mensonges et instants de communion, crises et dénouements. Les acteurs sont plus que célèbres (regardez l'affiche, voilà, c'est dit), mais la direction d'acteurs ne se repose pas que sur ça, et on sent tout au long du film un vrai travail pour nourrir l'alchimie naturelle qui existe entre eux, et constamment approfondir les très subtiles et très cruciales évolutions des relations qui les lient. Très très chouette moment de cinéma.
Épinglé sur REEL ... ING
L'été meurtrier de Jean Becker (1983) : bon alors, déjà, qu'on s'entende, cette affiche est épouvantable mais croyez-moi, c'est loin d'être la pire (tout n'était pas à prendre dans les années 80, que voulez-vous). Ce film, adaptation d'un roman de Sébastien Japrisot (l'auteur d'Un Long Dimanche de Fiançailles notamment), marque la révélation fracassante d'Isabelle Adjani, de laquelle on est physiquement incapable de détacher les yeux tant elle dévore l'écran avec ses mimiques impatientes, ses répliques cinglantes et son visage aux infinies nuances (on peut cela dit regretter que la caméra se rince parfois un peu trop l'oeil sur sa simple plastique). On se plonge dans la campagne provençale, le temps d'un été qui pourrait n'être que le cadre d'une simple idylle entre Eliane et son fiancé Florimond (joué par le très juste Alain Souchon), mais dont on comprend très vite qu'il dissimule tout un ensemble de secrets de famille, tractations et autres manigances cachées. Le film transcrit à merveille cette sensation de pesanteur, d'impatience et d'épuisement qui peut caractériser les étés les plus intenses et les plus chargés, et parvient à merveille à construire une tension dont l'éclatement ne devrait pas vous laisser indifférent.

L'été comme révélation (l'instant 100% films de surfeurs)
Achat Point break extrême limite en DVD - AlloCiné
Point Break de Kathryn Bigelow (1991) : film mythique qui a fait de Kathryn Bigelow une réalisatrice de premier plan (et qui est sans doute le plus accessible de sa filmo), retraçant l'intégration d'un jeune homme au sein d'une bande de surfeurs prêts à tout pour se dépasser, s'oublier aussi, et surtout, guetter l'arrivée de la vague (j'ai bien dit la vague), celle qui les brisera, reconstruira, transcendera en quelque sorte. Ca parle magouilles, complots, secrets, compétition, ça parle aussi et surtout entraide et communauté, c'est splendide visuellement, incroyablement fluide pour un film aussi long et dense, ça se déguste comme du petit laid. Et la musique est mythique. Préparez-vous, Point Break, on s'en souvient.
(Et si vous voulez parler du remake de 2015 : non, je ne veux pas en parler. Ce film n'existe pas. Je le refuse.)
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The Endless Summer de Bruce Brown (1966) : encore une fois un film splendide, mythique, intense et brutal, avec ce documentaire passé à la postérité où l'on suit deux jeunes surfeurs lancés dans une quête aussi vaine que splendide : passer leur vie à voyager du Nord au Sud et du Sud au Nord dans une poursuite de l'été tout autour du globe. Leur vie fait plutôt rêver : pouvoir continuellement vivre sur la plage, dans l'effort et la joie de surfer les vagues les plus puissantes du monde, on a vu pire. 
Le documentaire s'illustre par son ton très détaché, qui assume sa première personne et sa volonté d'être "fun" et "léger". Le slogan de l'affiche peut faire sourire ("le film mythique de la cool attitude", c'est un petit peu antinomique par rapport au concept même de cool, mais soit), mais il transcrit pourtant très fidèlement l'esprit du film : être soi, être bien, et l'être un peu plus chaque jour. Le tout a pu vieillir un peu, bien sûr, mais le charme demeure.

Et pour celles et ceux d'entre vous qui n'en ont toujours pas assez, voici une vidéo de l'excellentissime série Blow Up d'Arte, avec toujours plus de recommandations :


Sur ce, excellent été à vous !

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