A Tree Grows in Brooklyn de Betty Smith - Chronique n°519


Titre : A Tree Grows in Brooklyn
Autrice : Betty Smith

Lu en : anglaisEditions : Harper CollinsGenre : Classique
Date de parution originale : 1943                           
Nombre de pages : 528Résumé : The beloved American classic about a young girl's coming-of-age at the turn of the century, Betty Smith's A Tree Grows in Brooklyn is a poignant and moving tale filled with compassion and cruelty, laughter and heartache, crowded with life and people and incident. The story of young, sensitive, and idealistic Francie Nolan and her bittersweet formative years in the slums of Williamsburg has enchanted and inspired millions of readers for more than sixty years. By turns overwhelming, sublime, heartbreaking, and uplifting, the daily experiences of the unforgettable Nolans are raw with honesty and tenderly threaded with family connectedness, in a work of literary art that brilliantly captures a unique time and place as well as incredibly rich moments of universal experience.

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Le Lys de Brooklyn


Existe également en français

Titre : Le Lys de Brooklyn
Traduit par : Maurice Beerblock
Editions : Belfond Vintage | 10/18
Résumé : Succès phénoménal jamais démenti depuis sa parution en 1943, un mythe de la littérature américaine, adapté au cinéma par Elia Kazan. Un superbe roman d’apprentissage sur les jeunes années de Francie Nolan, fillette sensible, assoiffée de culture et de livres, dans le quartier misérable de Brooklyn au début du xxe siècle. Un coup de cœur d’une fraîcheur et d’une imagination extraordinaires, un livre-culte publié en France en 1946 et inexplicablement jamais réédité depuis, une redécouverte indispensable.

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Certains romans se dévorent, frappent, révèlent tous leurs secrets tout à coup.
D'autres accompagnent, ne se pressent pas, et ne se dévoilent que sur le temps long.
A Tree Grows in Brooklyn fait partie de ceux-là.

C'est un roman dont on se dit en le refermant qu'on aimerait le relire dans dix ou quinze ans, puis encore une décennie après ça, pour se laisser ce temps-là justement, celui de grandir, de mûrir, de perdre un peu et de savourer beaucoup.

On peut avoir du mal avec A Tree Grows in Brooklyn dans ses premières pages, pour la simple et bonne raison que le roman ne cherche jamais à prendre de gants avec son lecteur, à créer un rythme confortable, prévisible ou évident, à inventer du romanesque là où il n'y a que la réalité du quotidien et de l'enfance et l'adolescence de Francie. On finit cependant par trouver un plaisir fou dans le fait de s'attacher au roman, de le lire sur le temps long, de le savourer anecdote après anecdote. Et on comprend comment A Tree Grows in Brooklyn a pu acquérir son statut de classique indémodable.

L'histoire (si on peut la nommer ainsi) est avant tout le récit fidèle des petits rituels de Francie, de l'architecture de sa famille et de la géographie du Brooklyn où elle grandit, de la pauvreté, de la guerre, des estomacs qu'on peine à remplir et de la normalité qui demeure pourtant, en tout cas aux yeux de Francie qui n'a jamais connu rien d'autre. Sa famille est pauvre, elle le sait, mais ne le remarque pas non plus. C'est comme ça.
La petite fille n'est pas naïve pour autant, et comprend bien qu'il n'est pas tout à fait rassurant que son père rentre à pas d'heure dans un état bizarre ou que les rides sur le front de sa mère ne cessent de s'approfondir. Mais même dans les périodes de creux, même lorsqu'il devient de moins en moins certain qu'elle pourra continuer à aller à l'école comme elle en rêve, même lorsque la famille se déchire et que l'argent fait défaut, Francie s'accroche. Francie lit, rêve de Manhattan, cueille tous les instants de légèreté dont l'enfance lui permet de profiter sans arrière-pensées, et cultive un sentiment de communauté avec tous les voisins qui connaissent leurs difficultés et partagent leur condition. 

Le roman n'a cependant absolument pas pour but de romancer la pauvreté ou de déclarer qu'au fond, les pauvres vont très bien et qu'il suffit de beaucoup d'amour et de quelques jeux d'enfants pour rendre acceptables des conditions de vie extrêmement éprouvantes et des horizons plus que limités. C'est même tout le contraire. Le livre va certes décrire avec simplicité et grâce la résilience et l'adaptabilité de Francie, mais ce n'est que pour mieux mettre en valeur la combativité qu'elle se construit au fil des ans, pour aboutir à la féroce conquête de sa propre indépendance à l'adolescence et à l'âge adulte. 

A Tree In Brooklyn ne cesse en réalité d'asséner le même message, à travers des épisodes troublants, injustes ou déchirants de la vie de Francie.
La vie n'est pas juste.
La vie n'est pas juste, et ce roman le montre avec une honnêteté, une clarté et même une intransigeance assez inoubliables.
La vie n'est pas juste, mais on peut tout de même trouver des moyens de se faire justice.
Francie l'apprend vite : quoi qu'elle fasse, les riches seront privilégiés, les garçons passeront en premier, et les filles de Brooklyn comme elle avec leur accent différent, leur allure déchevelée et leur histoire familiale compliquée auront toujours à se battre davantage. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle est démunie. Comme le roman l'affirme avec de plus en plus de force et d'émotion, Francie a de la ressource, elle rusera autant qu'il le faudra, avec son frère et sa mère surtout, et elle s'imposera.

Ce roman est donc loin d'être une lecture facile, et ce malgré son style en apparence tout simple et son histoire chronologique assez facile à suivre. Le récit regorge de détails dans lesquels on se perd parfois un peu, n'offre pas de rythme égal ni même vraiment structuré, déroule en réalité sa trame de la façon la plus fidèle possible à l'existence de Francie : sans concessions, sans aménagements, dans la simple et dure vérité de son quotidien. Et c'est sans doute aussi et surtout pour ça que le charme opère et que l'on s'accroche à cette jeune fille avec une force incroyable : parce qu'on a connu avec elle le pain qu'elle achetait au coin de la rue, les heures qu'elle passait à marcher pour aller à l'école, les petits salaires ouvriers qu'elle a péniblement alignés et l'âge sur lequel elle a tant menti, parce qu'on a attendu et espéré avec elle, parce qu'on a connu les changements de Brooklyn, parce qu'on a entendu son argot et aimé ses habitants. Parce qu'on s'est battu avec elle, un peu. Parce qu'on a grandi. Parce qu'on a vécu, tout simplement.

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