Bilan du mois [Mai 2020]
Bonjour à toutes et tous !
Je vous écris à nouveau de France, fatiguée, ravie, pleine de nouveaux projets culturels et littéraires en particulier. Le mois de mai a été évidemment à la fois très vide et très rempli, mais j'ai malgré tout réussi à achever neuf romans au cours de cette période agitée, dont voici immédiatement la liste exhaustive :
Le coup de cœur du mois...
Station Eleven d'Emily St. John Mandel : un roman qu'il n'est sans doute clairement pas judicieux de lire par temps de pandémie, mais qui m'a étonnamment fait beaucoup de bien, justement parce qu'il propose une histoire de pandémie beaucoup plus mortelle et brutale que la nôtre (on parle tout de même de la disparition de 99% de la population mondiale, voilà), mais de façon étrangement "non-dramatique", en se concentrant sur des parcours individuels, des récits d'acceptation, d'apaisement, de réinvention de la vie après, autrement. C'est un roman certes intense par son contenu, mais tellement délicat dans la façon qu'il a de raconter son histoire, et qui a avant tout pour but de permettre à son lecteur de s'émerveiller sur tout ce que sa vie actuelle a de beau (et tout ce qu'elle aura toujours de beau quoi qu'il arrive), plutôt que de lui faire peur à grands coups de scènes catastrophistes glauques. Et il y en a, des scènes glauques, bien sûr, mais jamais de façon gratuite. C'est en tout cas la façon avec laquelle j'ai reçu Station Eleven. Avec émotion, un peu de douleur, mais beaucoup de reconnaissance.
J'ai adoré...
La Ballade de l'Impossible d'Haruki Murakami : roman pour le moins unique en son genre, dont je ne doute pas qu'il peut être particulièrement clivant, mais qui m'a de mon côté très très fortement marquée, imprégnée même, et auquel je ne cesse de penser depuis que je l'ai achevé en l'espace de quelques heures, d'une traite, hypnotisée, attristée, émue surtout. Une histoire de passage à l'adulte (très malmené), de sentiments (compliqués), de deuil, de différence. Très mélancolique, un peu malsain, mais tellement hypnotique.
Le Bal Mécanique de Yannick Grannec : très très sympathique découverte que ce roman scindé en deux grandes parties (l'une contemporaine, l'autre ancrée dans le contexte des années 30 et 40 en Allemagne), traversé par de nombreuses thématiques, et porté par d'encore plus nombreux personnages. On y parle d'art, de performance, d'héritage, de mensonge, d'artificialité, de famille (beaucoup) et de ce qui n'en est pas. C'est très solidement mené, et surtout, c'est une histoire qui ne laisse qu'une seule envie une fois achevée : en débattre, longuement et en détail.
J'ai beaucoup aimé...
Little Fires Everywhere de Celeste Ng : roman que j'ai en réalité lu juste après en avoir visionné l'adaptation en série télé, pour en arriver à ce constat : pour changer (non), le livre est meilleur. Le roman offre une intrigue beaucoup plus subtile, nuancée et moins manichéenne que la série, quand bien même les deux oeuvres partagent une même atmosphère étouffante très réussie et une galerie de personnages à propos desquels on aura forcément des jugements tranchés et passionnés (quand bien même encore une fois ceux de la série sont beaucoup plus caricaturaux). Une lecture qui offre des réflexions très, très, très pertinentes sur les tensions raciales aux Etats-Unis (et ailleurs), le racisme en général, les divisions de classe sociale, la violence de classe tout court, la violence symbolique aussi, bref, un texte riche !
J'ai bien aimé...
The Sins of the Father de Jeffrey Archer : deuxième tome des Clifton Chronicles, qui a encore une fois rempli sa mission de nécessaire distraction avec son intrigue au rythme efficace et aux personnages tout à fait attachants. Je voulais du drama, des secrets de famille et des retournements de situation. J'en ai eu. Je suis contente.
J'ai plutôt aimé...
Corinne ou l'Italie de Madame de Staël : longue, longue et dense lecture que Corinne, roman foisonnant écrit à la fin du XVIIIème siècle, au cours duquel Madame de Staël décortique la romance mouvementée entre Corinne, poétesse italienne géniale et femme de lettres reconnue par son pays tout entier, et Oswald, gentleman anglais vaguement dépressif et très indécis, dont l'inconstance va saboter sa relation avec Corinne tout au long du roman. Le style du XVIIIème siècle ne correspond bien sûr plus du tout à notre façon d'aborder les romans (beaucoup de digressions, attention importante accordée au contexte), mais Corinne reste plutôt fluide dans l'ensemble (quelques passages un peu longs dans les 200 premières pages, mais qui peuvent éventuellement être sautés si on sature un peu des descriptions in extenso de l'opéra lyrique italien) bien qu'un peu daté. J'étais surtout déçue d'être laissé "tromper" par le titre, qui suggérait que ce serait Corinne l'héroïne, là où elle est surtout la victime des mensonges, hésitations et autres lâchetés d'Oswald, personnage principal de fait qu'on n'a de cesse de vouloir expédier bien, bien loin du premier plan narratif...
L’Étrange Défaite de Marc Bloch : ouvrage que je voulais lire depuis longtemps (pour me l'être fait recommander environ quarante fois par six professeur.e.s d'histoire différents), et que je suis satisfaite d'avoir enfin parcouru, même si je n'aurai pas grand-chose d'autre à vous en dire ici que : c'est très technique, très intelligent, impressionnant de recul pour un texte écrit dans une telle urgence, et plus que pertinent pour qui cherche à comprendre pourquoi, concrètement, la France a perdu à une telle vitesse face à l'armée allemande en 1940.
Best Kept Secret de Jeffrey Archer : après The Sins of the Father, j'ai tout de suite enchaîné avec le troisième tome de la saga, pour cette fois déchanter un peu. Le récit se traîne, les personnages n'évoluent que par leur âge, bref, tout patine et j'avoue avoir fini ce tome-là avec davantage de lassitude que d'enthousiasme.
J'ai été déçue...
J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda : j'avoue que je ne m'attendais pas à cette déception-là, pour avoir entendu beaucoup de professeurs d'espagnol notamment me chanter les louanges de cet ouvrage. Si j'ai apprécié certains passages enflammés au cours desquels Neruda décrit son amour de la poésie et de l'écriture (quoiqu'ils deviennent un peu lassants à force d'être répétés), j'ai eu beaucoup de mal avec le patchwork de souvenirs d'intérêt divers que constitue cette autobiographie riche, qui reste évidemment un texte de grande qualité dans son style (on parle quand même d'un prix Nobel de Littérature, the guy can write), mais qui m'a malgré tout laissée de marbre.
Sur ce, je vous souhaite un très très très bon mois de juin, meilleur que les dernières semaines en tout cas, en espérant que vous pourrez trouver du réconfort et de l'évasion dans vos lectures, vos sorties, et tout un tas de retrouvailles avec vos proches !
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