L'Héritière, Le Prétendant, Femme de Tête d'Hanne-Vibeke Holst - Chronique n°496

Titre : L'Héritière, Le Prétendant, Femme de Tête
Autrice : Hanne-Vibeke Holst
Genre : Contemporain
Editions : Héloïse d'Ormesson/Pocket
Nombre de pages : 608/752/994
Résumé du premier tome : Ce n'est pas la nouvelle vie que Charlotte Damgaard s'imaginait. Elle s'apprêtait à partir pour l'Afrique, à suivre son mari avec leurs jumeaux. Jusqu'à l'appel du Premier ministre danois qui lui propose un ministère. Une opportunité qu'elle ne peut refuser, mais un choix lourd de conséquences.
Au cœur du gouvernement, Charlotte connaît une ascension fulgurante qui l'expose aux intrigues et aux scandales médiatiques. Jusqu'où est-elle prête à aller ? Tiraillée entre sa carrière et sa vie de famille, parviendra-t-elle à préserver son intégrité et sa vie privée ?

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Un pays : le Danemark. Une obsession : le pouvoir. Trois romans, trois personnages principaux, pas loin de 2500 pages de péripéties politiques, médiatiques, à la lisière du privé et du public, bref, un délice romanesque que je ne saurais trop vous recommander en cette période hivernale. 

La trilogie danoise d'Hanne-Vibeke Holst est assez remarquable pour la constance de la tension qu'elle instaure, de l'intérêt des personnages qu'elle décrit et de la crédibilité des situations qu'elle met en scène. Sacrée performance quand on sait qu'elle couvre près d'une dizaine d'années de bouleversements politiques à l'échelle d'un pays tout entier. Le récit débute au commencement des années 2000, avec la nomination surprise d'une novice en politique au très convoité poste de Ministre de l'Environnement, Charlotte Damgaard. Charlotte est certes une militante environnementaliste réputée, mais personne n'aurait été jusqu'à l'imaginer se hisser à une telle fonction. C'était sans compter sur le Premier Ministre, et surtout sur son bras droit, Elisabeth Meyer, qui place en Charlotte tous ses espoirs. Très vite, le choix audacieux de la jeune femme s'avère payant : par sa fraîcheur, son dynamisme, son intégrité, elle acquiert une certaine notoriété, et se prend à rêver de davantage... quand bien même sa nouvelle vie ne vient pas sans certains tiraillements, dont un dilemme terrible entre ses ambitions politiques et sa volonté de préserver son couple et sa famille. Un trope classique, certes, mais traité ici avec ampleur, ambition et subtilité, tout au long d'un premier tome qui ne se repose tout simplement pas, et qui ouvre avec brio une trilogie dont on s'avère très vite incapable de se détacher.

L'intrigue se poursuit plus tard en se concentrant dans le deuxième tome sur un autre politicien particulièrement charismatique, puis dans le troisième tome sur la formidable capitaine qu'est Elisabeth Meyer, choisissant à chaque fois de nouvelles tonalités, de nouveaux sujets à exploiter, avec toujours une même dichotomie centrale entre intimité et vie publique, instrumentalisation et protection. Couple, maladie, famille, amour, valeurs, autant de thèmes parfois un peu éculés dans ce genre littéraire, que Holst parvient à traiter avec beaucoup de ressource et de sincérité, et surtout sans jamais forcer le trait ou aller chercher des scènes débordantes de pathos là où de simples interactions tout en retenue font largement le travail. 

Le style en lui-même de l'autrice n'est certes pas la raison majeure qui pousse le lecteur à continuer sa lecture, mais il est loin d'être purement fonctionnel pour autant. Il y a une personnalité dans la plume de l'écrivaine : intransigeante, radicale, à l'image de la détermination froide de ses personnages et du caractère impardonnable du système dans lequel ils se sont engagés. Holst manque parfois de naturel dans ses dialogues ou ses descriptions, mais elle veille à faire preuve d'une certaine inventivité dans sa narration, et maintient dans tous les cas un même niveau de fluidité et d'efficacité. Le tout est avant tout fait pour être cohérent et prenant : avec une intrigue aussi riche en rebondissements, il aurait de toute façon été contre-productif de vouloir faire autrement, et on ne peut nier que le résultat est réussi. En un mot : ça se dévore. Le premier tome s'impose comme le plus réussi, grâce au formidable personnage de Charlotte, clairement novice mais pas facilement impressionnable pour autant, grâce à laquelle on découvre petit à petit les arcanes de la politique danoise, et pour laquelle on éprouve d'entrée de jeu une irréversible sympathie. Ses problématiques sont attachantes, ses évolutions convaincantes, le roman défile en un rien de temps : clairement rien à redire. 

Le pari du second tome est assez osé, surtout pour un roman paru il y a près de quinze ans, parfois manquant un peu de subtilité dans son traitement, mais globalement maîtrisé. Il en va de même pour le troisième, peut-être le moins fluide des trois - notamment en raison de ses près de 1000 pages de long, dont une petite partie aurait à mon sens pu être rognée -, qui apporte une conclusion parfaite à cette longue série, après un récit qui s'essouffle certes de temps à autre mais qui porte un message très pertinent sur l'idée de l'engagement, de la loyauté, des convictions que l'on peut avoir et de la façon dont on les défend.  

La trilogie s'avère donc plaisante à plus d'un titre, cohérente, soignée, pédagogue sans non plus prendre ses lecteurs de haut, et offre un vrai divertissement tout en soignant son fond théorique - comme l'ont montré les nooombreuses comparaisons à la série télévisée Borgen. Des romans certes imparfaits, qui auraient pu être un peu raccourcis et intensifiés, mais qui demeurent tellement bien construits qu'on ne peut tout simplement pas bouder son plaisir en les découvrant. Une lecture instructive, captivante et éminemment satisfaisante, à lire par de longues soirées glaciales, évidemment. 




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