La Traversée du Paradis d'Antoine Rault - Chronique n°412

Titre : La Traversée du Paradis
Auteur : Antoine Rault
Editions : Albin Michel
Genre : Historique
Lu en : français
Nombre de pages : 568
Résumé : 1920. A l’heure où Lénine et les Bolcheviks font régner la Terreur rouge, l’espion français Charles Hirscheim, devenu l’espion allemand Gustav Lerner, est envoyé en mission en Russie. Il s’y fait passer pour un communiste. Il est en réalité à la recherche de la femme qu’il aime, Tamara, jeune danseuse de cabaret qu’il a rencontrée à Berlin et qui a mystérieusement disparu du jour au lendemain…


Dans ce grand roman d’amour et d’aventures, Antoine Rault raconte le destin de personnages inoubliables, Allemands, Russes et Français, à travers lesquels il dresse le portrait de toute une époque : celle de l’Europe des années vingt bouleversée par la guerre et la Révolution communiste.

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Un grand merci aux éditions Albin Michel et à Babelio pour cette lecture ! 

Deux ans après La Danse des Vivants, Antoine Rault continue le récit des aventures de Charles Hirscheim, alias Gustav Lerner, ancien poilu français amnésique recruté comme agent secret au service de la France. Gustav, qui parle l'allemand aussi bien que le français, s'est ainsi fait passer pour un ancien soldat allemand à l'ère du traité de Versailles et du contrecoup de la Première Guerre mondiale, mais il a fini par déserter pour rejoindre la mère du jeune homme dont il a usurpé l'identité, Mona. Auprès de cette figure maternelle inattendue, il retrouve un certain calme, un cadre pour peut-être, enfin, se trouver, lui dont le plus vieux souvenir remonte à quelques mois à peine.
Mais on s'en doute, le calme ne durera pas longtemps...


L'auteur réussit à reprendre le cours de ce qui s'annonce comme une véritable saga historique, et malgré un début un peu lent et une multiplication des points de vue parfois déséquilibrée, le charme opère à nouveau, surtout dans les deux cent dernières pages. Le roman se perd en effet parfois dans la description minutieuse et un peu rude de stratégies arides, et dans des circonvolutions psychologiques qui ont tendance à tourner en rond, mais qui sont heureusement largement compensées par la toute nouvelle perspective et le décor inédit que propose ce deuxième opus. En effet, La Traversée du Paradis est le roman des débuts de la Russie communiste là où La Danse des vivants était celui du traumatisme de l'Allemagne vaincue. On est ainsi plongé dans les affres de la bureaucratie bolchevique et au cœur des enjeux les plus brûlants  de l'instauration du régime, au risque de manquer de réalisme - deux jeunes femmes aussi anonymes que Marguerite et Madeleine auraient-elles vraiment pu rencontrer le père de la révolution bolchevique avec une telle facilité ? -, mais cette immersion au degré le plus élevé du pouvoir a l'avantage de captiver l'intérêt du lecteur tout au long de la lecture. 

L'écriture, quelquefois un peu explicative, s'améliore au fur et à mesure que l'on avance dans le roman, pour aboutir à un dernier quart maîtrisé et haletant, avec une vraie concordance entre les intrigues, et l'ouverture d'une trame potentiellement passionnante pour un troisième tome. Le cadre choisi pour aborder la période est traité de façon amplement satisfaisante, avec des incursions vers les sujets de la justice sociale, des droits des femmes ou encore de la diplomatie européenne. L'histoire d'espionnage fonctionne également très bien, malgré les explications un peu brumeuses de début de roman, et les nouveaux personnages introduits s'harmonisent à merveille avec ceux que l'on connaît déjà. Leurs échanges sont naturels et fluides, et on suit avec plaisir leurs péripéties. 

Il s'agit donc d'un nouvel opus réussi - qui peut se lire indépendamment du premier - qui mêle la "petite histoire" à la "grande" avec talent, fluidité et dynamisme, en offrant un véritable intérêt par sa documentation et sa réflexion politique assez solide. Ce second tome décortique les fondements d'une dictature naissante avec talent, pédagogie et intelligence, et d'une façon accessible même pour  les plus néophytes de l'histoire du XXème siècle sans jamais être simplificatrice. L'intrigue reste prenante de bout en bout, le désir de réalisme saisissant, la souffrance des personnages et des populations qu'ils rencontrent palpable. On ne peut souhaiter que le meilleur à l'auteur pour le troisième tome auquel il s'est sans doute déjà attelé, et d'ici là, recommander cet ouvrage au plus grand nombre !



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