Sophie's Choice de William Styron - Chronique n°513

Titre : Sophie's Choice
Auteur : William Styron
Genre : Historique
Editions : Random House
Date de parution : 1979
Lu en : anglais
Nombre de pages : 575
Résumé : Three stories are told: a young Southerner wants to become a writer; a turbulent love-hate affair between a brilliant Jew and a beautiful Polish woman; and of an awful wound in that woman's past--one that impels both Sophie and Nathan toward destruction.

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Existe également en français

Titre : Le Choix de Sophie
Traduit par : Maurice Rambaud
Editions : Folio/Gallimard
Résumé : À Brooklyn, en 1947, Stingo, jeune écrivain venu du Sud, rencontre Sophie, jeune catholique polonaise rescapée des camps de la mort. À la relation de la rencontre du jeune homme avec l'amour, se superposent la narration du martyre de Sophie, l'évocation de l'univers concentrationnaire et de l'holocauste nazi.

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Sophie's Choice, c'est un petit monument de littérature.
J'allais l'adorer. Je le savais. Ma mère m'en avait parlé avec un mélange de gravité et d'admiration, quelques amis m'avaient décrit son adaptation cinématographique comme l'un des meilleurs films qu'ils avaient vus sur la Seconde Guerre mondiale et la Shoah. 
Globalement, ça avait l'air sacrément bien. 
Malgré tout, j'ai tenu à attendre un peu avant d'enfin m'y plonger, parce que je n'étais pas tout à fait sûre d'être prête à faire face à un récit d'une telle envergure.
J'avais raison.
Sophie's Choice, c'est quelque chose. Il faut en avoir conscience.

C'est avant tout un certain repère culturel, ce qu'on pourrait appeler "une valeur sûre". Lauréat du National Book Award l'année de sa sortie - plus ou moins l'équivalent de notre Goncourt -, le livre a donc fait l'objet d'une adaptation avec rien de moins que Meryl Streep en tête d'affiche, et l'expression "un choix de Sophie" est même passée dans le langage courant pour désigner un dilemme particulièrement insoutenable.

Sophie's Choice, c'est aussi et encore plus un roman d'une ambition narrative absolument folle. Rarement m'a-t-il été donné l'occasion de me plonger dans un récit structuré de façon aussi précise, judicieuse, complexe, en un mot admirable. Faire des allers-retours dans l'histoire est une chose, mais parvenir à ce point à entremêler passé et présent dans une narration qui parvient malgré tout à demeurer fluide et cohérente, et sans jamais égarer le lecteur dans de quelconques impasses chronologiques, ça relève de la prouesse. Mieux, le roman s'en trouve considérablement enrichi, alors que le lecteur navigue entre les couches temporelles, mais aussi les couches de vérité, et que chaque retour en arrière ou chaque projection est l'occasion d'inoculer une nouvelle dimension à l'histoire, de révéler un secret de plus, de saisir une nuance supplémentaire chez les personnages. Cette complexité du récit a enfin et surtout un sens, puisqu'elle vient d'une part de l'enthousiasme et de la confusion du narrateur, Stingo, jeune écrivain qui peine à maîtriser ses élans d'inspiration, d'autre part des mensonges et du traumatisme de Sophie, qui hésite à se livrer complètement et alterne entre différentes versions de son histoire selon le degré de confiance qu'elle a envers son interlocuteur, et enfin en raison du contexte même dans lequel se déroule le roman, un New York de 1947 encore mal à l'aise vis-à-vis d'un conflit encore tellement récent.

Vraiment, plus j'y repense, plus je suis impressionnée.

Le récit aborde un ensemble de sujets absolument inouï, à commencer par la Shoah certes, mais aussi la quête de sens de Stingo, jeune ingénu plein d'espoirs et d'encore plus de déconvenues, amoureux transi et très immature d'une Sophie complexe, insaisissable, tellement touchante, agaçante parfois, ou encore les relations complexes qui lient ces deux personnages à un troisième, Nathan, Juif américain en couple plus que tumultueux avec Sophie. S'ajoutent à la description de ces personnages captivants un travail de fond remarquable sur l'histoire du ghetto de Varsovie, de la déportation, de l'antisémitisme des années 30 et 40 dans le monde occidental, mais aussi des considérations bien plus larges sur l'ensemble des conséquences de la guerre sur la société européenne et américaine. C'est toujours passionnant, jamais caricatural, et surtout, ça force le respect. Il s'agit là d'un roman à lire avec attention, à relire surtout, un récit pour lequel il faut prendre son temps et dont on ne peut à mon sens pas saisir toute la complexité dès la première tentative.

Cela dit, et c'est bien là que je trouve Sophie's Choice remarquable, le roman n'a rien d'aride ou de particulièrement cryptique. C'est une histoire qu'on peut comprendre et savourer à tous les degrés, que ce soit pour ses personnages avant tout, pour son fond historique, pour sa construction narrative, pour ses analyses politiques, bref, un ensemble de thématiques et d'histoires jumelles qui s'offrent avec justesse et clarté au lecteur, et que celui-ci peut choisir de plus ou moins explorer en fonction de sa sensibilité personnelle par rapport aux différents sujets abordés. La seule difficulté que le récit pose est sa longueur, mais là encore, rien que de très surmontable si on prend le temps de le savourer chapitre par chapitre, avec sa prose virtuose et sa puissance émotionnelle rare. Un immense coup de coeur !


Commentaires

  1. Tu m'as conquise encore une fois Capucine ! +1 dans ma wish-list ;)

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    1. Oh ça me fait trop plaisir de te voir par ici <3 Tant mieux, tu m'en vois ravie, je pense vraiment qu'il pourrait te plaire !

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