Une Histoire des Loups d'Emily Fridlund - Chronique n°477
Titre : Une Histoire des Loups
Autrice : Emily Fridlund
Traduit par : Juliane Nivelt
Genre : Contemporain
Editions : Gallmeister
Editions : Gallmeister
Lu en : français
Date de parution : 2017
Résumé : Madeline, adolescente un peu sauvage, observe à travers ses jumelles cette famille qui emménage sur la rive opposée du lac. Un couple et leur enfant dont la vie aisée semble si différente de la sienne. Bientôt, alors que le père travaille au loin, la jeune mère propose à Madeline de s’occuper du garçon, de passer avec lui ses après-midi, puis de partager leurs repas. L’adolescente entre petit à petit dans ce foyer qui la fascine, ne saisissant qu’à moitié ce qui se cache derrière la fragile gaieté de cette mère et la sourde autorité du père. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
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Madeline a 14 ans et elle a fait le tour de ce que l'humanité a à lui offrir. Globalement, c'est décevant. Voire franchement déprimant. Au lycée, des remparts, des mensonges, des rumeurs. Chez elle, du silence. Ailleurs, du vide. Tout le temps, l'ennui.
L'adolescente s'est construit une carapace intime, et puis au fond, ça lui va très bien.
Enfin, jusqu'à l'installation d'un couple dans la maison en face de chez elle, de l'autre côté du grand lac qui s'étale en plein milieu. A priori, les nouveaux arrivants ne devraient rien avoir de particulier. Dans les faits, ils la fascinent. Surtout elle, l'épouse, la toute jeune femme d'une vingtaine d'années, déjà mère d'un petit garçon. Ses grands yeux écarquillés, ses habitudes insondables, ses peurs palpables. Petit à petit, Madeline se rapproche de Patra, la jeune femme, et devient la baby-sitter officielle de son fils, jusqu'à se fondre dans la routine quotidienne de la famille, jusqu'à devenir aveugle à ce qui l'intriguait au départ, jusqu'à adhérer elle aussi à l'illusion du bonheur sans tache.
Enfin, jusqu'à l'installation d'un couple dans la maison en face de chez elle, de l'autre côté du grand lac qui s'étale en plein milieu. A priori, les nouveaux arrivants ne devraient rien avoir de particulier. Dans les faits, ils la fascinent. Surtout elle, l'épouse, la toute jeune femme d'une vingtaine d'années, déjà mère d'un petit garçon. Ses grands yeux écarquillés, ses habitudes insondables, ses peurs palpables. Petit à petit, Madeline se rapproche de Patra, la jeune femme, et devient la baby-sitter officielle de son fils, jusqu'à se fondre dans la routine quotidienne de la famille, jusqu'à devenir aveugle à ce qui l'intriguait au départ, jusqu'à adhérer elle aussi à l'illusion du bonheur sans tache.
Le roman progresse à petits pas, à tâtons presque, au fil de ce que Madeline accepte de dévoiler dans sa narration. On la devine plus qu'on ne l'apprend, on l'appréhende comme la bête un peu sauvage à laquelle elle voudrait que le reste du monde l'associe. L'écriture, suave, intimiste, crée une atmosphère dans laquelle on se sent à la fois curieusement confortable et résolument mal à l'aise. On se doute de la teneur du coup de théâtre final, mais son intérêt réside dans la force avec laquelle il survient. C'est sombre sans l'être à l'excès, c'est envoûtant, et puis, certes, c'est un peu malsain.
C'est enfin une histoire dont l'environnement est un protagoniste à part entière, comme c'est souvent le cas avec les romans publiés chez Gallmeister. Pour peu que l'on soit sensible aux vibrations qui peuvent se dégager de descriptions de paysages sauvages, de lacs isolés ou de forêts perdues, pour peu que l'on aime se représenter les décors dans tous leurs détails et leurs subtilités, pour peu que l'on aime y voir des résonances avec ce que les personnages traversent, Une Histoire des Loups est une merveilleuse immersion. Tout se répond, tout se ment, tout concorde pour créer l'illusion dramatique à la source de l'intrigue. Loin d'une métaphore galvaudée du style "vous avez vu la forêt elle est sombre ça veut dire qu'il y a des secrets", Une Histoire des Loups travaille le thème de la dissimulation, des sentiers sur lesquels on préfère s'éterniser plutôt que de s'aventurer à aller au-delà, par peur de découvrir ce que l'on sait déjà mais que l'on est encore incapable d'admettre, par conformisme, sécurité, culpabilité déguisée en bienveillance. Le roman se dévore avec une avidité à la limite du voyeurisme, porté par une héroïne qui se veut cryptique mais se révèle éminemment touchante, ainsi que par sa plume assez virtuose.
Une réussite sur tous les plans, une immersion formidablement soignée, une tension d'une force maintenue tout au long du récit, bref, un incontournable à la frontière entre le nature writing, le thriller domestique et le roman initiatique !
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