Le Club des Incorrigibles Optimistes de Jean-Michel Guenassia - Chronique n°478

Titre : Le Club des Incorrigibles Optimistes
Auteur : Jean-Michel Guenassia
Editions : Le Livre de Poche
Genre : Contemporain
Lu en : français
Date de parution : 2009
Nombre de pages : 715
Résumé : Michel Marini avait douze ans en 1959. C'était l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau.
Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Tibor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient tous passé le Rideau de fer pour sauver leur vie. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient tous retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. 
Cette rencontre bouleversa définitivement la vie de Michel. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes.



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Ce livre est un sacré bazar.
Et ce pour tout un tas de raisons.


En premier lieu, c'est un livre ambitieux, un livre qui couvre plusieurs années, au moins une dizaine de personnages principaux de toutes nationalités, et l'adolescence tumultueuse d'un protagoniste bouillonnant de curiosité.
Le Club des Incorrigibles Optimistes est une sorte de réunion informelle, dans un café, le plus souvent autour d'un plateau d'échecs, qui rassemble des bras cassés, survivants, exilés et autres intellectuels inattendus. La majorité a fui l'URSS, la plupart ont vécu des aventures complètement romanesques, tous doivent surtout vivre avec le poids des trahisons qu'ils ont commises, envers un proche, un idéal, un engagement. 

Petit à petit, au contact de ces vieux loups de mer et autres pirates soviétiques, le jeune Michel glane des conseils, des anecdotes, des cours particuliers sur l'échec et la résilience. Avec les membres du Club, il trouve surtout une forme de réconfort, voire un refuge un peu à l'écart de chez lui, où il peine à composer avec les personnalités en miroir de ses parents, l'ardeur de son grand frère et surtout le spectre des devoirs de maths. Avec les grands, il apprend à l'être, petit à petit, dans un monde qui palpite, en pleine guerre d'Algérie, dans ces Trente Glorieuses impardonnables, à l'orée de changements dont personne ne se doute encore. C'est le Paris des yéyé, des futurs soixante-huitards, d'une jeunesse qui veut à nouveau danser, des injustices qui ne semblent jamais vouloir s'épuiser. C'est une histoire d'amitiés, souvent conflictuelles, de débats, souvent idéologiques, de disputes, souvent sans gravité, de parallèles dressés entre l'historique et le personnel sans dissonance aucune.


Ce roman impressionne surtout par sa construction, d'une complexité assez remarquable sans que pour autant elle n'égare le lecteur - quand bien même les intrigues secondaires se multiplient et enchevêtrent. Les cent premières pages peuvent paraître un peu longues, et saisir toutes les ramifications de l'intrigue demande une certaine attention, mais le tout est porté par un tel dynamisme et un ton si enlevé qu'il est difficile de ne pas se laisser emporter. Les personnages, bien qu'assez nombreux, jouissent tous de leur histoire, leurs défauts, leurs objectifs et leurs moments de gloire ; les dialogues sont soigneusement travaillés, l'humour est omniprésent, et chaque chapitre est l'occasion d'une référence bien sentie à un ouvrage, un fait historique, un film ou encore une chanson. C'est un roman qui bouillonne de curiosité, de l'autre, de soi, de l'art, et qui parvient à diffuser une espèce d'avidité du reste du monde en un mot géniale.

On se prend à suivre le chemin quelque peu chaotique de Michel vers la maturité, le long d'un parcours beaucoup trop romanesque pour paraître réaliste ne serait-ce que l'ombre d'un instant, mais immensément attachant. Le Club mérite la masse de critiques positives qu'il a recueillies à sa parution, ainsi que sa réputation d'ouvrage dense, réjouissant, hilarant et formidablement bien documenté. Seul regret : un côté "fouillis" qui a son charme, mais tend à rendre les transitions trop rapides et certains passages un peu déstabilisants.



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