Honorer la Fureur de Rodolphe Barry - Chronique n°476

Titre : Honorer la Fureur
Auteur : Rodolphe Barry
Editions : Finitude
Genre : Historique 
Lu en : français
Date de parution : 2019
Nombre de pages : 288
Rés
umé : J
ames se sent à l’étroit dans son petit bureau new-yorkais du Chrysler Building, à l’étroit dans son métier de journaliste comme dans sa vie. Il travaille pour Fortune, le magazine le plus libéral du pays. Tout ce qu’il hait. Alors quand son rédacteur en chef l’envoie dans son Sud natal pour une enquête sur la vie des métayers en Alabama, James se sent revivre. D’autant qu’on lui adjoint pour ce voyage un jeune photographe inconnu avec lequel il s’entend d’emblée. 

Le reportage devient un brûlot, un plaidoyer, un cri rageur face à la pauvreté des fermiers dans ces sinistres années trente. Puis un livre signé James Agee et Walker Evans, Louons maintenant les grands hommes.

Le nom de James Agee se met à circuler chez les écrivains, les journalistes, tous les intellectuels. On parle d’un type fascinant, insupportable, brillant, révolté, alcoolique. Il travaille à un scénario pour John Huston, devient l’ami de Chaplin, et on dit même que pour son premier film en tant que réalisateur, l’illustre Charles Laughton lui a confié l’adaptation de La Nuit du chasseur.

-----------------------------------------------------------------

J'avais un très, très bon pressentiment à propos de ce roman. L'ambition trahie par le résumé, le dynamisme des lettres jaune canari et des gratte-ciel sur la couverture, la renommée discrète mais croissante que l'ouvrage se constituait petit à petit chez les critiques. 


Ledit pressentiment s'est avéré fondé. Et vous m'en voyez ravie.

C'est un roman à la fois éminemment américain et profondément français : américain par l'ampleur des enjeux qu'il traite, par le côté reluisant de la success-story qu'il retrace, par l'étendue de sa chronologie, de ses personnages, le gigantisme de ses décors ; français par la vivacité, la profondeur, la richesse de sa plume, l'intensité des thématiques de la solitude, de l'échec, de l'ambition, la subtilité de la plongée psychologique qu'il opère chez son protagoniste. 

C'est un roman à la fois éminemment littéraire et cinématographique : littéraire par l'exigence de sa prose, la cohérence de son ton, la fluidité de son récit, l'originalité de son imagerie ; cinématographique par la forte présence de l'environnement, le soin porté aux dialogues, le dynamisme de l'intrigue, l'enchaînement particulier des scènes qui deviennent autant de séquences d'un biopic entraînant.

C'est un roman à la fois éminemment intime et politique : intime par l'introspection unique de James, continuellement décrite tout au long de l'ouvrage ; politique par la force de ses combats, de ses engagements, de ses désillusions aussi (et surtout), l'énormité des injustices auxquelles il est confronté, la fatalité face à laquelle ses projets fous viennent souvent (toujours) se fracasser. 
C'est enfin et surtout une histoire furieusement réjouissante, révoltante, qui joue jusqu'au bout avec les nerfs du lecteur et pousse ce dernier à simultanément adorer et rejeter James, la figure centrale du récit. L'écrivain, journaliste, militant, révolté, cumule les étiquettes avec toujours plus de fureur - role credits - et de conviction, dans un cycle qui n'a rien de rébarbatif et tout d'enthousiasmant.

On navigue avec plaisir et passion dans cet itinéraire d'un enfant du siècle qui se lit comme un roman d'apprentissage et se médite comme un plaidoyer politique ; on savoure la richesse de ce que l'on sait être la biographie d'un homme réel, tout en se gargarisant de ses aspects furieusement romanesques. On s'évade, et ce faisant, on ne s'en projette que mieux dans sa propre époque, dont les défis résonnent plus que jamais avec ceux autour desquels James a construit sa vie.

On aime. On adore. On fonce.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker - Chronique n°426

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

À la place du cœur d'Arnaud Cathrine — Chronique n°241