Les Échoués de Pascal Manoukian - Chronique n°467
Titre : Les Échoués
Auteur : Pascal Manoukian
Editions : Points
Lu en : français
Nombre de pages : 284
Résumé : Ils sont porteurs d’espoir. Endettés, sacrifiés, ils ont laissé leur famille pour rejoindre la France et ses promesses. Virgil le Moldave, Chanchal le Bangladais, Assan le Somalien et sa fille affrontent le désenchantement de la clandestinité, les repas de poubelle et les nuits dehors. Le renoncement n’est pas une option. Ils n’ont pas de papiers mais une volonté forcenée de vivre. Et ils sont ensemble.
Résumé : Ils sont porteurs d’espoir. Endettés, sacrifiés, ils ont laissé leur famille pour rejoindre la France et ses promesses. Virgil le Moldave, Chanchal le Bangladais, Assan le Somalien et sa fille affrontent le désenchantement de la clandestinité, les repas de poubelle et les nuits dehors. Le renoncement n’est pas une option. Ils n’ont pas de papiers mais une volonté forcenée de vivre. Et ils sont ensemble.
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Certains romans font mal, voire très mal, mais s'imposent par un seul mot une fois la dernière page tournée.
"Nécessaire".
Il est en effet des histoires nécessaires, violentes et âpres, qui viennent ouvrir les yeux de leurs lecteurs et leur imposer les réalités qu'ils ne connaissent qu'en théorie. Les Échoués fait partie de celles-là.
Les échoués sont au nombre de trois. Virgil, Assan et Chanchal. Un Moldavien, un Soudanais et un Bangladais. Un père habité par le besoin de trouver une solution pour permettre à sa famille de le rejoindre, un autre père, qui a perdu tous ceux qu'il aimait à l'exception de sa benjamine, et un jeune homme, le premier à avoir pu partir parmi les siens.
Tous trois ont pris une sacrée claque dans la figure. En ce début des années 1990, rien n'est fait pour les accueillir. Clandestins, ils ont tout risqué pour poser les pieds sur le sol français, et leur arrivée n'a rien d'une fin en soi. Désormais, ils doivent survivre, travailler, tant bien que mal, pour trois fois rien, échapper aux arnaques et aux plans foireux, trouver où dormir, de quoi manger et se soigner.
Malgré les privations et les douleurs, les nuits sans sommeil dans les squats où l'on se sent moins en sécurité qu'à l'extérieur, malgré les arnaques et les papiers qui ne sauraient passer pour vrais ne serait-ce que l'espace d'un instant, Virgil, Assan et Chanchal s'acharnent à exister, quand bien même tout semble conspirer à leur prouver que cela est désormais impossible pour eux.
C'est une leçon, une sacrée leçon, un coup de poing, peu importe comment on l'appelle. Si le récit est romanesque, sa forme a tout de documentaire, et son fond tout d'universel. On ressent puissamment la vérité derrière les phrases de l'auteur, on devine les images dont il a lui-même été témoin, on accepte la profonde urgence et indignité derrière de pareilles injustices sociales et humaines.
Il y a un malaise évident, celui du lecteur qui, a priori, a la chance de vivre dans des conditions qui lui permettent de satisfaire ses besoins élémentaires, face à l'existence terrible des trois protagonistes. Mais le roman a l'intelligence de souligner que la culpabilité est inutile, pire, contre-productive, et qu'elle doit faire place à la conscience, à la reconnaissance, voire à l'action.
C'est un roman qui marque et révulse, dès ses toutes premières scènes d'une violence rare, qui font monter les larmes aux yeux et le cœur au bord des lèvres. C'est un roman qui ne prend jamais de gants, mais ne déborde jamais non plus dans une violence gratuite ou outrancière. C'est un roman qui choque d'autant plus que l'on sait que le trait n'est en rien grossi, que la situation n'est en rien exagérée. C'est un roman que l'on veut voir dans toutes les mains, dans les débats politiques et sur les programmes scolaires, c'est un roman qui laisse abasourdi, une seule question en tête :
"Pourquoi les humains se font-ils ça les uns aux autres ?"
Il s'agit là de l'une de ces questions auxquelles l'on peine à trouver des réponses.
Mais ce roman constitue déjà une étape fondamentale dans cette quête.
Les humains se font ça par inconscience, indélicatesse, par un respect aveugle et stérile de ce qu'ils appellent tradition mais qui n'est rien d'autre que de la peur, par confort, par instinct de préservation.
Rien de fondamentalement irréversible, rien de fondamentalement mauvais, mais une succession de réactions et autres défauts communs, qui s'additionnent pour aboutir à la plus atroce des injustices.
Et ce que ce roman raconte, c'est qu'il est possible d'agir autrement. Il est possible de décomposer les gestes de recul, les craintes et les étrangetés, il est possible de s'ouvrir, d'au moins chercher à rentrer en empathie.
Les expériences décrites indignent autant qu'elles émeuvent, et on ne peut qu'éprouver de la gratitude envers l'auteur de l'ouvrage pour sa pédagogie, son honnêteté et surtout son sens du reportage, évident dans ce texte clair et saisissant. Les faits sont là, indéniables, l'urgence de la réaction également. On a du mal à comprendre ce que l'on ne vit pas, et la fiction permet de pallier cette anesthésie involontaire. Impossible de ne pas rentrer en empathie profonde avec ces personnages que l'on condamne à ne pas exister, à se nier eux-mêmes, à accepter les conditions de leur propre destruction par la force tacite de l'autorité inflexible. Les Évadés n'a rien d'optimiste.
Mais il a tout de véridique.
Les Évadés brise le cœur et retourne les tripes. Les Évadés révolte et intimide. C'est un texte qui rend humble et effaré, surtout quand on sait combien la situation des clandestins s'est dégradée depuis l'époque du récit. Alors, plus que jamais, que ce soit avec ce roman, un autre, par un témoignage, une prise de conscience, une conversation, ou bien en descendant dans la rue, ouvrons les yeux, et ceux de ceux qui nous entourent. Ce sera déjà beaucoup.
Certains romans font mal, voire très mal, mais s'imposent par un seul mot une fois la dernière page tournée.
"Nécessaire".
Il est en effet des histoires nécessaires, violentes et âpres, qui viennent ouvrir les yeux de leurs lecteurs et leur imposer les réalités qu'ils ne connaissent qu'en théorie. Les Échoués fait partie de celles-là.
Les échoués sont au nombre de trois. Virgil, Assan et Chanchal. Un Moldavien, un Soudanais et un Bangladais. Un père habité par le besoin de trouver une solution pour permettre à sa famille de le rejoindre, un autre père, qui a perdu tous ceux qu'il aimait à l'exception de sa benjamine, et un jeune homme, le premier à avoir pu partir parmi les siens.
Tous trois ont pris une sacrée claque dans la figure. En ce début des années 1990, rien n'est fait pour les accueillir. Clandestins, ils ont tout risqué pour poser les pieds sur le sol français, et leur arrivée n'a rien d'une fin en soi. Désormais, ils doivent survivre, travailler, tant bien que mal, pour trois fois rien, échapper aux arnaques et aux plans foireux, trouver où dormir, de quoi manger et se soigner.
Malgré les privations et les douleurs, les nuits sans sommeil dans les squats où l'on se sent moins en sécurité qu'à l'extérieur, malgré les arnaques et les papiers qui ne sauraient passer pour vrais ne serait-ce que l'espace d'un instant, Virgil, Assan et Chanchal s'acharnent à exister, quand bien même tout semble conspirer à leur prouver que cela est désormais impossible pour eux.
C'est une leçon, une sacrée leçon, un coup de poing, peu importe comment on l'appelle. Si le récit est romanesque, sa forme a tout de documentaire, et son fond tout d'universel. On ressent puissamment la vérité derrière les phrases de l'auteur, on devine les images dont il a lui-même été témoin, on accepte la profonde urgence et indignité derrière de pareilles injustices sociales et humaines.
Il y a un malaise évident, celui du lecteur qui, a priori, a la chance de vivre dans des conditions qui lui permettent de satisfaire ses besoins élémentaires, face à l'existence terrible des trois protagonistes. Mais le roman a l'intelligence de souligner que la culpabilité est inutile, pire, contre-productive, et qu'elle doit faire place à la conscience, à la reconnaissance, voire à l'action.
C'est un roman qui marque et révulse, dès ses toutes premières scènes d'une violence rare, qui font monter les larmes aux yeux et le cœur au bord des lèvres. C'est un roman qui ne prend jamais de gants, mais ne déborde jamais non plus dans une violence gratuite ou outrancière. C'est un roman qui choque d'autant plus que l'on sait que le trait n'est en rien grossi, que la situation n'est en rien exagérée. C'est un roman que l'on veut voir dans toutes les mains, dans les débats politiques et sur les programmes scolaires, c'est un roman qui laisse abasourdi, une seule question en tête :
"Pourquoi les humains se font-ils ça les uns aux autres ?"
Il s'agit là de l'une de ces questions auxquelles l'on peine à trouver des réponses.
Mais ce roman constitue déjà une étape fondamentale dans cette quête.
Les humains se font ça par inconscience, indélicatesse, par un respect aveugle et stérile de ce qu'ils appellent tradition mais qui n'est rien d'autre que de la peur, par confort, par instinct de préservation.
Rien de fondamentalement irréversible, rien de fondamentalement mauvais, mais une succession de réactions et autres défauts communs, qui s'additionnent pour aboutir à la plus atroce des injustices.
Et ce que ce roman raconte, c'est qu'il est possible d'agir autrement. Il est possible de décomposer les gestes de recul, les craintes et les étrangetés, il est possible de s'ouvrir, d'au moins chercher à rentrer en empathie.
Les expériences décrites indignent autant qu'elles émeuvent, et on ne peut qu'éprouver de la gratitude envers l'auteur de l'ouvrage pour sa pédagogie, son honnêteté et surtout son sens du reportage, évident dans ce texte clair et saisissant. Les faits sont là, indéniables, l'urgence de la réaction également. On a du mal à comprendre ce que l'on ne vit pas, et la fiction permet de pallier cette anesthésie involontaire. Impossible de ne pas rentrer en empathie profonde avec ces personnages que l'on condamne à ne pas exister, à se nier eux-mêmes, à accepter les conditions de leur propre destruction par la force tacite de l'autorité inflexible. Les Évadés n'a rien d'optimiste.
Mais il a tout de véridique.
Les Évadés brise le cœur et retourne les tripes. Les Évadés révolte et intimide. C'est un texte qui rend humble et effaré, surtout quand on sait combien la situation des clandestins s'est dégradée depuis l'époque du récit. Alors, plus que jamais, que ce soit avec ce roman, un autre, par un témoignage, une prise de conscience, une conversation, ou bien en descendant dans la rue, ouvrons les yeux, et ceux de ceux qui nous entourent. Ce sera déjà beaucoup.
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