Idaho d'Emily Ruskovich - Chronique n°458

Titre : Idaho
Autrice : Emily Ruskovich
Genre : Contemporain
Editions : Random House Trade
Nombre de pages : 336
Lu en : anglais
Résumé : One hot August day, a family drives to a mountain clearing to collect birch wood. Jenny, the mother, is in charge of lopping any small limbs off the logs with a hatchet. Wade, the father, does the stacking. The two daughters, June and May, aged nine and six, drink lemonade, swat away horseflies, bicker, and sing snatches of songs as they while away the time.

But then something unimaginably shocking happens, an act so extreme it will scatter the family in every different direction.

In a story told from multiple perspectives and in razor-sharp prose, we gradually learn more about this act, and the way its violence, love and memory reverberate through the life of every character in Idaho.
 


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Existe également en français

Titre : Idaho
Résultat de recherche d'images pour "idaho gallmeister"Editions : Gallmeister
Résumé : Idaho, 1995. Par une chaude journée d’août, une famille se rend dans une clairière de montagne pour ramasser du bois. Tandis que Wade, le père, se charge d’empiler les bûches, Jenny, la mère, élague les branches qui dépassent. Leurs deux filles, June et May, âgées de neuf et six ans, se chamaillent et chantonnent pour passer le temps. C’est alors que se produit un drame inimaginable, qui détruit la famille à tout jamais. Neuf années plus tard, Wade a refait sa vie avec Ann au milieu des paysages sauvages et âpres de l’Idaho. Mais alors que la mémoire de son mari s’estompe, Ann devient obsédée par le passé de Wade. Déterminée à comprendre cette famille qu’elle n’a jamais connue, elle s’efforce de reconstituer ce qui est arrivé à la première épouse de Wade et à leurs filles.

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Hm. 
Je suis comme qui dirait perplexe. 

D'habitude, lorsque je termine un roman, c'est assez évident. 
Je suis enthousiaste, ou je ne le suis pas. 

Ici, je n'ai toujours pas décidé.
Tentons de trancher ensemble. 

Idaho m'a principalement attirée pour de très mauvaises raisons qui s'avèrent cela dit souvent payantes : 
1) sa couverture (je sais, je suis une âme vile et superficielle)
2) le fait qu'il ait été publié en France aux éditions Gallmeister aka les meilleures éditions de la Création (en gros)
3) le fait que le résumé du roman soit si sibyllin et prise de tête mystérieux, et que je sois encore plus embrouillée après l'avoir lu qu'avant
4) le fait que ça avait l'air de se passer dans la nature et que j'ai une obsession un intérêt pour les romans qui se passent dans une quelconque forme de nature
5) environ six journaux aux titres très impressionnants me promettaient sur la couverture que c'était "splendidly written" et "fascinating", et je suis un pigeon

Comme vous le constatez, rien que des motifs très raisonnables.
Bref, toujours est-il que j'ai lu ce livre. 
Et quel livre. 

On peut résumer Idaho comme une succession de questions de plus en plus sombres et de plus en plus torturantes auxquelles l'on trouvera de moins en moins de réponses satisfaisantes. 

Voilà le programme. 

Le résumé peut en effet laisser croire à une sorte de thriller psychologique, ou du moins à une enquête, à une lente progression de mystère jusqu'à des éléments de résolution.
De la psychologie, ça oui, il y en a. Du thriller, pratiquement pas.
C'est avant tout ce que l'on appellera une exploration, de personnages, d'un environnement, d'évolutions internes. On suit les dédales infiniment tortueux de ces personnages plus qu'instables, on les appréhende au fil des époques sur plusieurs décennies, on se laisse aller à des hypothèses de plus en plus dérangeantes, le tout porté par un récit de moins en moins prévisible et équilibré. 


S'il est bien une qualité que l'on doit reconnaître à Idaho, c'est son audace. L'autrice choisit de ne jamais se reposer sur ses acquis, de ne jamais se laisser aller au final que l'on attend. Alors que l'on s'attend dès les premières pages à faire connaissance avec Wade, Jenny et leurs deux filles, on découvre en réalité la situation de Wade des années après le drame évoqué dans le résumé, et on ne finit par évoquer le coeur de l'intrigue que des dizaines de pages plus tard. Le roman saute constamment entre les époques, des années 70 à 2025, et s'il est bien une règle que vous devez retenir, c'est celle-ci : l'autrice saura toujours, toujours vous frustrer et créer un sentiment d'attente chez vous. Qu'il s'agisse d'un obscur personnage secondaire, d'un symbole dont l'on sent qu'il a une importance mais que l'on serait bien incapable de comprendre, d'une allusion cryptée ou encore d'un retour en arrière sans aucun contexte, Idaho est juché d'embûches et autres obstacles à la compréhension, ce qui peut créer chez son lecteur une double réaction. D'une part, un sentiment de curiosité, d'intérêt piqué au vif, mais d'autre part, une éventuelle lassitude qui peut finir par surgir et par gâcher quelque peu le plaisir de lecture. 

Le roman est certes intéressant et osé à plus d'un titre, mais laisse malgré tout un sentiment d'insatisfaction face à tant de réponses fragmentaires. On a l'impression d'avoir contemplé l'autrice jeter en l'air des dizaines d'idées pertinentes pour n'en rattraper qu'une ou deux. Votre appréciation personnelle dépendra donc de votre capacité à accepter une histoire inachevée, frustrante, à l'instar finalement de la terrible torture dans laquelle se trouvent plongés ses personnages après un drame qui n'en finit pas de se nimber de mystère. 

C'est donc un roman dense, qui nécessite une attention constante et une capacité à se laisser perturber, voire malmener, par une narration cruelle et violente. L'écriture en elle-même est exigeante, imprévisible, tantôt plongée dans la psyché d'un personnage, tantôt soigneuse et descriptive, tantôt chaotique et capricieuse. Idaho est indéniablement un texte très écrit, très construit, mais son résultat final pourra ne pas être du goût de tous. On en retiendra ses symboliques d'une force dévastatrice, ses dilemmes déchirants, sa violence croissante et ses questionnements torturés... pour le meilleur comme pour le pire. 

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