Concours pour le Paradis de Clélia Renucci - Chronique n°460
Autrice : Clélia Renucci
Genre : Historique
Editions : Albin Michel
Lu en : français
Résumé : Dans le décor spectaculaire de la Venise renaissante, l'immense toile du Paradis devient un personnage vivant, opposant le génie de Véronèse, du Tintoret et des plus grands maîtres de la ville. Entre rivalités artistiques, trahisons familiales, déchirements politiques, Clélia Renucci fait revivre dans ce premier roman le prodige de la création, ses vertiges et ses drames.
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On est au seizième siècle, et on est à Venise.
Voilà une excellente façon de commencer un roman.
Voilà une excellente façon de commencer un roman.
Mieux que ça : on est au seizième siècle, toujours à Venise, au coeur du Palais des Doges, qui se remet tout juste d'un terrible incendie, et cherche désormais le génie qui aura le privilège d'imaginer le chef-d'oeuvre pictural qui remplacera son Paradis perdu.
Véronèse, le Tintoret, leurs fils, leurs proches, leurs apprentis, d'autres concurrents encore, le clergé, le Doge, autant d'individualités plus ou moins connues, dont, pour ma part, je ne connaissais que le nom auréolé d'une certaine gloire, mais pas le destin précis. Il s'agit alors de résister à la tentation de se ruer sur la première page Wikipédia venue, pour savourer le suspense subtil que l'autrice parvient à tisser. Qui triomphera ? Qui verra son nom inscrit dans les annales de l'histoire ? Qui passera à la postérité ? Et à quel prix ?
C'est une histoire merveilleusement dépaysante, qui parvient à catapulter son lecteur dans un monde onirique, cruel et furieusement inspirant, où la créativité est élevée au rang de valeur reine, et où les personnages se disputent le titre d'être le plus talentueux de toute la cité. Cette émulation d'une incroyable intensité porte tout le texte à un rythme endiablé et fascinant, alors que les années défilent, que les rivalités se teintent d'aigreur et que les uns subtilisent les idées des autres.
C'est aussi un récit qui rassure, aux accents familiers, parce qu'on a en tête les reflets de ces peintures, les échos d'anciens cours d'histoire et autres documentaires, des souvenirs ou des projets de voyage, peut-être. Ce que Clélia Renucci parvient à accomplir avec ce récit historique a priori bien éloigné de notre réalité, c'est titiller notre imaginaire collectif, notre fibre contemplative, notre enthousiasme enfantin pour la compétition et notre folie des grandeurs. On se prend à soutenir un peintre, puis un autre, à interrompre sa lecture pour aller se perdre sur Google Images en se pâmant d'admiration face aux oeuvres de tel ou tel artiste, puis à se replonger dans le texte pour en savourer les riches descriptions et les sous-intrigues attachantes.
On déambule, on découvre les multiples personnages de ce feuilleton dont l'amplitude couvre plus de douze ans, on les voit vieillir, s'accrocher, renoncer, se déchirer, on les comprend, un peu, alors qu'ils n'ont parfois pas plus d'une dizaine de pages pour s'épanouir. Concours pour le Paradis est en réalité une invitation plus qu'une encyclopédie, une main tendue de la part de l'autrice pour pousser ses lecteurs à se renseigner, à découvrir, à s'évader. C'est romancé, évidemment, et les rivalités que l'on se plaît à suivre sont largement extrapolées, mais ça fonctionne d'un bout à l'autre. C'est une belle chronique, un mélange réussi d'histoire de l'art, de considérations techniques et d'atermoiements romanesques, bref, un véritable plaisir de lecture à s'offrir pour illuminer ses soirées de lecture des couleurs éclatantes de la Renaissance vénitienne. Foncez !
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