Aspirine de Joann Sfar - Chronique n°421

Titre : Aspirine
Auteur et dessinateur : Joann Sfar
Editions : L'Ecole des Loisirs (collection Rue de Sèvres)
Genre : Bande dessinée | Fantastique
Lu en : français
Nombre de pages : 160
Résumé : Aspirine, étudiante en philosophie à la Sorbonne a la rage, elle ne supporte plus de revivre sans cesse les mêmes épisodes de sa vie pourrie. Et ça fait 300 ans que ça dure car Aspirine est vampire, coincée dans son état d’adolescente de 17 ans. Elle partage un appartement avec sa sœur Josacine, heureuse et sublime jeune femme de 23 ans, qui elle au moins, a eu l’avantage de devenir vampire au bon âge. En perpétuelle crise d’adolescence, elle passe ses nerfs sur son prof, sa sœur et tous les relous qui croisent sa route. Assoiffée de sang, elle n’hésite pas à les dévorer (au sens propre) ou les dépecer. C’est même devenu un rituel avec les amants que sa jolie grande sœur collectionne. Malgré tout, elle attise la curiosité d’Ydgor ado attardé, un étudiant de type « no-life » : vaguement gothique, légèrement bigleux et mal peigné… avec comme kiff dans la vie, le fantastique et la légende de Cthulhu… Il rêve de vivre un truc magique, d’un destin exceptionnel et a compris qu’Aspirine est une vampire. Pour acquérir le privilège de pouvoir l’accompagner, il s’engage à garder le secret et à devenir son serviteur… son esclave. Parviendra-t-il à gagner sa confiance, voire son amitié ? Arrivera-t-il à la calmer de ses pulsions mortifères ? Au final, lequel sera le plus enragé des deux ?

----------------------------------------------------------

Un grand merci aux éditions de l'Ecole des Loisirs pour cet envoi !

----------------------------------------------------------

Aspirine a dix-sept ans.
Mais Aspirine n'a pas dix-sept ans comme toutes les autres personnes âgées de dix-sept ans.
Aspirine a dix-sept ans pour toujours. 

Depuis trois siècles, elle sait qu'elle sera à jamais immortelle, coincée avec des questions existentielles auxquelles elle ne trouvera jamais de réponses. Alors elle s'occupe. En ce moment, elle est inscrite en fac de philo, même si elle n'y apprend pas grand-chose - Sartre, Marx et compagnie, elle les a connus de près, elle. 

Parmi les étudiants, il y en a un, loin d'être séduisant ou même adapté à la vie en société, qui s'intéresse à elle, derrière sa frange et ses lunettes à double foyer. Qu'à cela ne tienne, s'il veut vraiment être témoin de la vie d'une vampire, il deviendra le serviteur d'Aspirine, et la suivra dans ses vagabondages nocturnes, entre triples meurtres, épisodes dépressifs et artefacts ensorcelés...

Aspirine n'en est pas à sa première apparition dans l'oeuvre de Sfar, mais cet ouvrage est tout à fait accessible aux néophytes absolus comme moi. Le tout est extrêmement fluide, et prenant, et on n'a d'autre choix que d'engloutir les quelques 150 planches d'une seule traite, plongé tout entier dans l'atmosphère oppressante et morbide d'un Paris perpétuellement plongé dans l'obscurité.

Le style de Sfar est très particulier, d'une part dans sa narration mais surtout dans son trait. Ses dessins sont diffus, avec une impression d'irrégularité, quelque chose de sauvage, de mouvementé, de troublé. Ce chaos pictural organisé est savamment étudié pour refléter les conflits internes d'Aspirine, ses pics de malheur et d'extase qui se succèdent les uns aux autres, ses péripéties nocturnes. On est vaguement confus, irrésistiblement attiré, un peu perdu face aux bizarreries de la personnalité de la jeune vampire. 
Et c'est ainsi que le charme d'Aspirine opère, avec une efficacité d'autant plus redoutable que l'on se sentait de prime abord complètement étranger à son univers mi-gothique mi-fantastique. On se laisse porter avec elle, au gré de ses dérives sur l'absurdité de l'existence et la médiocrité du genre humain, alors qu'elle dévore des coeurs à tout va et surplombe Paris, littéralement en s'envolant, et plus symboliquement en décortiquant les comportements ridicules des anonymes qu'elle observe. 

Le tout n'est semblable à rien de connu, entre conte de fées déglingué, méditation adolescente et odyssée cynique, truffé de références et de traits d'esprit. Autant prévenir : pas de fil narratif classique, pas de trame à proprement parler : avec Aspirine, ça part dans tous les sens. C'est particulier, mais si vous adhérez, Aspirine vaut le détour !




Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

U4 – Koridwen d'Yves Grevet — Chronique n°120

Le Choix d'Isabelle Hanne [Littérature]