L'Elégance du Hérisson de Muriel Barbery - Chronique n°450

Titre : L'Elégance du Hérisson
Autrice : Muriel Barbery
Genre : Contemporain
Editions : Gallimard (collection Blanche)
Lu en : français
Résumé : "Je m'appelle Renée, j'ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.


Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans, j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision: à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai."


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Cela faisait des années qu'on me le disait. 
Lis l'Elégance du Hérisson. Tu vas adorer

Et moi, naïve, un peu rebutée par ce titre étrange et surtout par l'agitation inexplicable et unanime autour de ce roman qui n'avait a priori rien d'exceptionnel, je n'avais de cesse de repousser à plus tard le jour où je me déciderais enfin à me plonger dans ledit ouvrage. 

Mais heureusement, j'ai enfin pris l'heureuse décision de mettre fin à cette procrastination littéraire insensée.
Oh, combien j'ai bien fait.

L'Elégance du Hérisson, c'est n'avoir l'air de rien, être même peu attirant, un peu brut de décoffrage, hostile à toute approche inquiétante ou inconnue, mais savoir se révéler au moment où l'on s'y attend le moins, s'ouvrir, montrer sa part de beauté, qui est d'autant plus merveilleuse qu'elle était jusqu'alors insoupçonnée. 

L'Elégance du Hérisson, c'est l'humanité dans ce qu'elle a de plus tortueux, contradictoire, complexé, mauvais, mais aussi de doux et de lumineux. 

C'est aussi l'un de ces romans qui a été critiqué, recritiqué, décortiqué dans tous les sens et sur lequel on s'est finalement déjà accordé il y a quelques années, mais qu'il sera toujours bon d'évoquer, de louer, de recommander. C'est une histoire qui célèbre la bizarrerie, l'extraordinaire, l'émerveillement et la curiosité. On referme L'Elégance du Hérisson avec une furieuse soif d'absolu, d'émulation, d'amélioration, l'envie de plonger le nez dans Anna Karénine, de rouvrir un ouvrage de philosophie, d'aller admirer un peu d'art même si on ne le comprend pas purement et intrinsèquement.

C'est enfin un ouvrage qui réalise l'exploit de faire l'éloge de la culture et de ses supports les plus traditionnels sans jamais verser dans le snobisme ou la prétention - c'est même tout le contraire. Loin de prôner une érudition qui se satisferait d'elle-même, la connaissance est ici présentée comme source d'enrichissement personnel, de partage avec autrui, de moyen de dépasser sa simple conscience propre pour toucher à quelque chose de plus universel, de plus vaste, d'encore plus épanouissant. 

L'Elégance du Hérisson est enfin un roman dont nombre de personnages se présentent bouffis de mépris, de suffisance et d'auto-satisfaction, mais qui parvient par un miracle littéraire à n'inspirer que de la compassion et de l'empathie au lecteur. On a pu l'accuser d'être prétentieux, de n'être qu'un étalage de culture générale de la part de l'autrice, mais à mon humble avis ce n'est que l'exact inverse. Bien entendu que les personnages de Renée et Paloma sont grotesques, caricaturaux eux aussi, tirés à l'extrême pour justement créer cette connexion d'autant plus miraculeuse que tout semblait jouer pour que l'on se maintienne à distance d'elles. Leurs élans de misanthropie et de lyrisme touchent au sublime, leur obstination les rend terriblement touchantes. Être aimées, c'est tout ce qu'elles méritent. 

Lisez donc ce roman, pour sa langue exquisement riche sans jamais en devenir pédante, pour son histoire si prenante, à la fois complètement improbable et éminemment réelle, pour son plaidoyer pour l'ouverture à l'autre et à la connaissance, bref, pour cet ensemble de valeurs et de passions qui le constituent et qui en font un peu plus qu'une simple histoire, un moment, une étape, un passage. 

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