Tu ne m'as laissé que notre histoire d'Adam Silvera - Chronique n°450

Titre : Tu ne m'as laissé que notre histoire
Auteur : Adam Silvera
Genre : YA | Contemporain
Editions : Robert Laffont (collection R)
Lu en : français
Résumé : La mort ne prévient jamais. Lorsque Griffin apprend la disparition brutale de Théo, son premier amour, son univers vole en éclats. Bien que Théo ait déménagé en Californie pour ses études et ait commencé à fréquenter Jackson, Griffin n'a jamais douté qu'il reviendrait un jour vers lui. À présent, l'avenir qu'il s'imaginait a changé du tout au tout et le vide laissé par Théo demande à être comblé...

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Un grand merci aux éditions Robert Laffont et à Babelio pour cet envoi !

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Griffin vient de perdre son premier amour. Et il s'est sans doute aussi un peu perdu depuis le jour où il l'a appris. 

Certes, Theo et Griffin n'étaient plus ensemble depuis des mois déjà lorsque la nouvelle est tombée, certes, Theo étudiait à l'autre bout du pays et s'était déjà mis en couple avec quelqu'un d'autre.
Oui. Griffin le sait.
Mais il y avait encore de l'espoir. 
Tout n'était pas dit. Tout n'était pas fini.

Sauf que maintenant, ça l'est. L'histoire de Theo et de Griffin n'aura jamais droit au dénouement auquel tous deux aspiraient. Et Griffin est désormais incapable de passer à autre chose. 

Il ne lui reste rien de Theo. Rien qu'un vide, une absence, une négativité. Et une histoire.

C'est un drôle de roman que Tu ne m'as laissé que notre histoire. Tout simple à première vue, écrit très simplement, très sobrement - trop ? -, il parvient à construire l'air de rien un véritable cadre, un cocon intime et complexe où l'on voit Griffin se confier, évoluer, piétiner parfois, souffrir beaucoup, grandir surtout. Au fur et à mesure que les souvenirs s'accumulent et que les jours défilent, on se prend d'affection pour ce personnage tout en retenue et en contrôle, qui souffre de ne pas parvenir à se livrer, jusque dans la façon dont il s'exprime.

Les personnages sont touchant parce qu'hautement imparfaits, et n'offrent à aucun moment de mode d'emploi de "comment bien faire son deuil", loin de là. Griffin verse souvent vers des comportements possessifs, teintés de jalousie, de méfiance, voire d'agressivité, tandis que de son côté Theo pêche par insouciance et par indélicatesse. Si on est si touché par Griffin, c'est aussi et surtout parce qu'il fait n'importe quoi à l'annonce du décès de Theo, parce qu'il est incapable de se ressaisir, parce qu'il ne fait que ruminer ses erreurs passées, et puis finalement parce qu'il se démène malgré tout, et que miraculeusement, il avance.

Ce n'est qu'une histoire parmi d'autres. Mais elle sonne juste.

Pas forcément de passage saisissant d'émotion ou de prose splendide élégiaque, on reste ici dans quelque chose d'assez réservé et pudique, même au niveau de la plume de l'auteur, ce qui contribue sans doute plus ou moins volontairement à la justesse du roman. On aurait pu souhaiter un peu plus d'audace dans le style, pour donner encore plus d'ampleur à ces émotions, et le roman comporte encore quelques passages qui manquent un peu de subtilité ou d'originalité, mais il est indéniable que le tout reste fluide, pertinent, et appréciable à plus d'un titre. 

Appréciable parce qu'il reconnaît tout simplement que l'on peut avoir 17 ans et avoir sincèrement, profondément le sentiment d'avoir fait le tour de ce que la vie a à offrir, sans se moquer, sans chercher à décrédibiliser le narrateur. 
Appréciable pour sa représentation toute simple de plusieurs personnages LGBT sans jamais se laisser tenter par le drama gratuit, sans jamais faire de ces adolescents des personnages hautement torturés et rejetés par les autres en raison de leur orientation sexuelle, parce que oui, surprise, ça existe, les couples gays à qui personne ne demande de comptes. 
Appréciable enfin pour son message attendu mais ô combien bien senti sur le deuil, sur le monde qui continue de tourner, sur l'impossibilité de trouver de réponses satisfaisantes. Cela a déjà été dit ailleurs, bien sûr, mais cette leçon d'acceptation demeure essentielle, d'autant plus qu'elle apparaît sans fards, sans trop de clichés, sans volonté désespérée de faire dans le sensationnel. Le rythme est simplement scandé par les flash-backs, structure assez classique mais qui fonctionne, et on se laisse tout simplement porter, convaincre... et émouvoir, par surprise souvent.

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