Kafka sur le rivage d'Haruki Murakami - Chronique n°527

Titre : Kafka sur le rivage
Auteur : Haruki Murakami
Genre : Contemporain
Date de parution : 2003/2006 en VF
Editions : Belfond | 10/18
Lu en : français
Traduit par : Corinne Atlan
Nombre de pages : 648
Résumé : Un adolescent, Kafka Tamura, quitte la maison familiale de Tokyo pour échapper à une malédiction œdipienne proférée par son père. De l'autre côté de l'archipel, Nakata, un vieil homme amnésique, décide lui aussi de prendre la route. Leurs deux destinées s'entremêlent pour devenir le miroir l'une de l'autre, tandis que, sur leur chemin, la réalité bruisse d'un murmure envoûtant.

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Haruki Murakami écrit vraiment des romans très, très bizarres, voire carrément perchés.
Je crois que j'aime bien ça. Je n'en suis pas tout à fait certaine. Certains aspects de ses histoires me surprennent et me survoltent, d'autres me rebutent tout à fait, d'autres encore me donnent envie d'en savoir plus, et d'autres enfin me fascinent tout simplement.

Après La Ballade de l'Impossible, Kafka sur le rivage me paraissait être l'oeuvre la plus appropriée pour continuer à découvrir la bibliographie de Murakami, puisque je pensais y retrouver la même dynamique de récit d'apprentissage, les mêmes questionnements sur le sens de la vie, la fin de l'adolescence et l'identité, la même écriture douce-amère. Ça n'a pas raté. On est pile dans la même dynamique, avec tout autant d'atmosphères gênantes, de contemplations sublimes, de personnages (plus ou moins) jeunes et déboussolés, de dialogues délicats et de gros malaises surgissant de nulle part.

Kafka sur le rivage, ça parle de cet adolescent complètement perdu qui se prépare à fuguer le jour de ses quinze ans, pris en étau chez lui entre un père ultra-sévère et une mère et une soeur disparues depuis des années. Ça parle de la fameuse fuite donc, mais aussi et surtout de l'errance, des rencontres et des découvertes qui s'ensuivent, de voyages dans des bus un peu sombres, de nuits passées à l'abri, de jobs trouvés un peu par hasard et de secrets dévoilés en toute délicatesse. Ça parle aussi d'un vieux monsieur, d'un jeune chauffeur poids lourds et de chats qui font la conversation, mais ça, c'est une autre histoire (à moins que ?). Ça parle de mort, de poésie, de sexualité (toujours beaucoup manifestement chez Murakami), d'angoisse (tellement, et tellement bien), de mort (je le dis encore une fois, parce que vraiment, ça a l'air de bien habiter notre cher Murakami), de famille et d'amour, surtout sa version bizarre et incertaine.

C'est un roman étrange dont on aurait du mal à dire si on l'a "aimé" ou non, mais qu'on reçoit avec force et intensité. On s'y fait bousculer souvent, on s'y autorise à rêver parfois, on s'en trouve choqué à quelques reprises. Murakami pose beaucoup de questions, n'en donne jamais les réponses, mais parvient à suggérer quelques pistes, orientations et symboles avec un mélange de délicatesse et de brutalité assez unique en son genre. Le rapport de Murakami au temps est particulièrement marquant : on reste hébété par la façon dont il le dilate, l'étire à l'infini, fait de quelques jours d'errance une odyssée qui semble durer une vie entière, et au contraire de longues années de deuil un seul bloc de temps si dense qu'il en paraît presque réduit, concentré sur un laps de temps bien plus court qu'il ne l'était en réalité. C'est toute une (non) philosophie que l'écrivain suggère, un détachement, une méditation à la fois extrêmement absorbée et extrêmement consciente de l'absurdité de la vie. Un roman après lequel on se sent triste sans l'être vraiment, et à partir duquel on aimerait pouvoir inventer une nouvelle forme de compagnie, comme une solitude partagée.

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