Bilan du mois [Juillet 2020]

Bonjour à tous et toutes !

Le mois de juillet a eu deux visages pour moi : sa première quinzaine de jours a bizarrement été très intense, très riche, et m'a laissé peu de temps pour lire, tandis que la seconde a été bien plus dédiée à un cadre de vacances classiques et m'a donc permis de me consacrer autant que je le voulais à mes chers et estimés romans. J'en ai donc achevé onze ces dernières semaines, parmi lesquelles de magnifiques découvertes, et d'autres que je suis heureuse d'avoir pu approcher, mais qui ne suscitent pas pour autant ma pleine et entière adhésion. C'est parti donc pour plus de détails !

(Aussi. Mon roman sort dans dix jours. Il est vraiment très bien. Et oui, je vais poursuivre cette publicité éhontée pendant un petit bout de temps encore.)


Un coup de cœur intersidéral...

L'Insoutenable Légèreté de l'Être de Milan Kundera : Ce !! Livre !! Est incroyable !!
J'en ai déjà excessivement parlé, et je vais me contenter de vous rediriger vers ma critique si vous souhaitez en savoir plus, mais sachez d'ores et déjà que ce roman m'a conquise au-delà des mots, et a surtout su me surprendre. Je m'attendais à quelque chose d'un peu prétentieux, voire de sec (forcément, quand on se dit "classique de la littérature tchèque", on a tendance - à tort - à imaginer des textes arides et inaccessibles) là où j'ai trouvé un texte passionnant, ardent, vif, intelligent et plein d'humour. Fantastique bouquin.

J'ai adoré...
The Great Believers de Rebecca Makkai : un roman historique très riche qui m'a suivie pendant toute une partie du mois de juillet, avec son ensemble de personnages infiniment attachant, sa façon marquante, intense et dans le même temps très subtile de dépeindre les Etats-Unis des années 80, et comment le sida y fait des ravages au sein de la communauté gay, et enfin et surtout dans ses réflexions autour du deuil, de la transmission et de la famille (de celle que l'on a comme de celle qu'on se choisit). Très réussi ! 
Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir : Simone (oui, je l'appelle comme ça, on est intimes, elle et moi) ne cessera, je pense, jamais de me toucher, de me pousser au rire, à l'émerveillement ou au rêve éveillé, de m'impressionner par sa capacité à tout rendre romanesque, improbable et voué à la logique inflexible d'un destin infiniment signifiant. Son autobiographie est aussi enjolivée que jouissive, et offre un moment rare de lecture, fourmillant de détails presque vrais et tellement véridiques, entre rencontres, désillusions, envolées d'ambition et références savoureuses. Un délice littéraire et personnel, un récit initiatique pareil à aucun autre.
Il est des hommes qui se perdront toujours de Rebecca Lighieri : l'incroyable, incroyable Lighieri a encore frappé en plein dans le mille avec un nouveau texte bouillonnant, aveuglant, dont les personnages se déchirent au sein d'une famille composite, malade, condamnée et furieuse, où l'espoir se voit toujours ravivé puis déçu par de nouveaux stratagèmes ingénieux, où la société prend corps au point que l'on en perd son âme. Terrible, sombre, éblouissant dans sa noirceur. 
Kafka sur le rivage d'Haruki Murakami : un roman déstabilisant à plus d'un égard, dérangeant parfois, éblouissant la plupart du temps. On y suit des êtres humains franchement paumés, on s'y attache démesurément à eux, on les laisse nous enseigner des idées et des mystères auxquels on ne saurait pas vraiment donner de nom. C'est très beau, très bizarre et très onirique.
La Race des Orphelins d'Oscar Lalo : le troisième et dernier roman francophone de la rentrée littéraire d'une certaine maison d'édition avec laquelle je n'ai aucun lien (vraiment aucun) mais dont je vous promets que je vous parle en toute objectivité. Oscar Lalo se plonge ici dans la mémoire violentée, fragmentée et douloureuse d'une ancienne enfant du programme Lebensborn (une sorte de système d'embrigadement de nourrissons et jeunes enfants pour en faire de parfaits petits citoyens du IIIème Reich, dans les années 40, en Allemagne et dans certains pays européens). Le format est particulier, fait de courts fragments à l'intensité rare, au point que l'on doit parfois interrompre sa lecture, et que l'apparente brièveté du texte cache en réalité un temps de lecture long, celui de la réflexion, de la maturation et de la remise en perspective. L'auteur y aborde avec une acuité rare l'idée de la trahison, de la filiation, et enfin et surtout du mal, de sa banalité (peut-être), de sa malédiction, des traces qu'il laisse, de son origine et des enfants sur lesquels il imprime son sceau.

J'ai beaucoup aimé...
Un Homme qui dort de George Perec : un petit roman tout à fait particulier que j'ai lu sans trop savoir à quoi m'attendre, et qui m'a offert une expérience de lecture riche et chahutée, au fil des fragments et autres monologues intérieurs du personnage dépeint par Perec, étudiant désoeuvré et désabusé qui décide de se retirer du monde après avoir décidé qu'il n'avait plus aucune envie de poursuivre le cours de sa vie. C'est acerbe, très drôle parfois, glaçant aussi, brillant dans tous les cas. Intéressante, intense et courte lecture (mais tout de même très intense, enfin, je veux dire, ça parle quand même d'absurdité de la vie et d'ennui comme facteur incontournable de la condition humaine à chaque instant, donc bon).
La Commode aux tiroirs de couleur d'Olivia Ruiz : un premier roman traversé de sincérité, d'enthousiasme et de souvenirs, dont j'ai beaucoup apprécié les personnages féminins et le contexte familial dépeint avec force détails, anecdotes et dialogues savoureux, et dont le style encore certes un peu sage ne tardera pas à mon avis à laisser place à des oeuvres encore plus audacieuses, plus vives et plus passionnées. Plutôt encourageant !

C'est compliqué...
Arcadie d'Emmanuelle Bayamack-Tam : j'adore, j'adore le style de cette écrivaine. Ce n'est pas compliqué : Les Garçons de l'été et Il est des hommes qui se perdront toujours, comme je le répète beaucoup trop, font partie des romans qui m'ont le plus marquée ces deux dernières années. C'était cela dit la première fois que je lisais un des romans que Bayamack-Tam a signés de son vrai nom, et non de son pseudonyme, et je ne sais pas si elle-même fait une différence entre les oeuvres qu'elle choisit d'attribuer à l'un ou l'autre de ses avatars littéraires, mais j'en ai en tout cas perçu une. Le texte est toujours aussi frappant, incendiaire, les personnages éblouissants, la plume remarquable, crue, abrupte, et la façon de brosser le passage des années en un mot ébouriffante, mais c'est avec le propos de fond que j'ai du mal ici : que raconte l'autrice, au juste ? Que cherche à prouver cette narration décapante, furieuse et revendicatrice ? C'est bien le queer qui est traité, la marge, la déviance, thème que j'aime infiniment, mais avec un mélange de sarcasme, de narquoiserie et de dérision constante que je n'arrive pas encore vraiment à analyser de façon satisfaisante. J'y reviendrai dans les prochaines semaines ! 

C'est vraiment compliqué...
Nuits d'été à Brooklyn de Colombe Schneck : un roman débordant de potentiel, très pédagogique, dont le contexte est décrit avec un soin tout particulier par son autrice. On le voit, on le sent, ce New York des années 90, ce climat de tensions raciales, ce désir d'en découdre, de comprendre, d'en finir. Mais voilà, il m'a manqué quelque chose de très particulier et à mon sens de tout à fait crucial : une première personne. Tout est finement détaillé, analysé même, bien organisé, tout sert la tragédie avec une technique exemplaire, mais ça manque d'âme, d'implication, de débordements, de défauts à vrai dire, tout ce qui rend un texte passionné et passionnant, authentique et donc imparfait, et marquant à long terme. On sent combien ces événements-là, ces émeutes et ces drames, comptent pour Colombe Schneck, combien même la relation amoureuse qu'elle y dépeint la touche, mais on n'y croit pas, pas tout à fait, parce qu'il manque son "je", ou en tout cas celui d'un personnage qu'on aurait aimé plus complexe, engagé et questionné que la très lisse Esther ou l'impénétrable Frederick. 

J'ai eu du mal...
L'Enigme de la Chambre 622 de Joël Dicker : oui, je sais, vous allez me dire "Capucine, pourquoi es-tu allée lire ce bouquin alors que tu avais déjà souffert avec les 600 pages de Stephanie Mailer ? La réponse, mes estimés lecteurs et lectrices, c'est que j'ai confiance, voilà, que le tout premier roman de Dicker (Les Derniers jours de nos pères) était très bon, que même Harry Quebert fourmille de qualités, et que j'ai envie de continuer à chercher ce qui me plaisait tant dans les premiers textes de l'auteur, son grain, sa patte. Force est d'admettre cependant que tout ça a disparu, pour laisser place à des textes bien plus calibrés, tellement balancés, mesurés et rythmés qu'ils en perdent toute saveur et tout équilibre. La Chambre 622 en était malheureusement un nouvel exemple, avec ses pages qu'on tourne à toute vitesse pour en retenir si peu, et son divertissement indéniable, et qu'il ne faut en aucun cas mépriser, mais tellement peu exigeant envers son propre lecteur qu'il en devient presque infantilisant. 

Sur ce, je vous souhaite un excellent mois d'août ! 

Commentaires

  1. Salut! je tenais à te dire que j'ai beaucoup aimé comme toi "L'insoutenable légèreté de l'être", je trouve que c'est vraiment un chef d'oeuvre. Comme le titre l'indique ce livre regorge de sentiments délicats et est vraiment profond. Il est juste "léger" et ne prend pas la tête, il est philosophique et parle de nombreux sujets et de thématiques qu'on retrouve dans notre vie de tous les jours.

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  2. D'ailleurs si ça t'intéresse j'ai crée un blog récemment qui s'appelle "onlitcommeonaime.blogspot.com" j'aimerai beaucoup que tu me donnes ton avis sur mon blog.

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  3. Beau bilan :)
    J'ai acheté le Milan Kundera en juillet et je suis vraiment curieuse de le lire.
    J'ai entendu très peu d'avis positifs pour le dernier Joël Dicker du coup, j'ai un peu peur :/

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