Le Consentement de Vanessa Springora - Chronique n°543

Titre : Le Consentement
Autrice : Vanessa Springora
Editions : Grasset

Genre : Témoignage
Lu en : français
Date de parution : 2020
Nombre de pages : 201
Résumé : 
Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses œillades énamourées et l’attention qu’il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin «  impérieux  » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l’aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu’elle vient d’avoir quatorze ans, V. s’offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l’homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s’arracher à l’emprise qu’il exerce sur elle, tandis qu’il s’apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l’écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.

-----------------------------------------------------------

C'est le genre de livre qu'on ne peut que recevoir, et qu'il serait immensément malvenu de critiquer. C'est le genre de livre qu'il est, en fait, impossible de critiquer.
Et oui, c'est une platitude de le dire.
Mais c'est important.
C'est important, parce que même si on sait très bien tout ça, on en est encore à le découvrir.

Le Consentement, c'est un grand saut dans le vide, un leap of faith comme disent les anglophones, c'est un texte qui fait peur à tout le monde, à celle qui a le courage de l'écrire et de le livrer en pâture à une société qui n'est prête à l'accueillir qu'en surface et en partie, à ceux qui s'y reconnaîtront, quel que soit le rôle qu'ils s'y verront jouer, à ceux qui le liront, et qui ressentiront avec puissance et désarroi la manipulation dont l'autrice a été victime, les mécaniques implacables qui ont fait de sa souffrance un secret, et du silence un réflexe.

C'est la petite fille, l'adolescente, l'adulte, l'éditrice et la figure consciente de devenir politique qui s'expriment en même temps, d'une voix unie, forte, foudroyante, aux accents tranchants et au ton droit, stable, inaltérable. C'est un témoignage qui a couvé longtemps, une histoire que Vanessa Springora s'est retenue de diffuser des années durant, et on ne peut que le comprendre face au petit monde sournois qu'elle décrit, celui des compromissions, des cooptations et des yeux qu'on préfère fermer, celui du talent qu'on préfère à l'humanité et du vice qu'il est tellement plus pratique de considérer comme une simple petite particularité.

C'est l'histoire d'un silence choisi, délibéré, organisé, et non pas de l'ignorance que certains voudront affecter une fois la vérité révélée. Ce n'est d'ailleurs même pas une révélation, ça ne l'est pour personne, ni pour toutes les lectrices qui ont déjà pu vivre n'importe quelle situation de harcèlement, de domination, d'intimidation ou de manipulation (c'est-à-dire, honnêtement, la quasi-totalité d'entre elles), toutes les personnes qui ont baigné dans un quelconque milieu où le pouvoir fait loi et où les petits, les jeunes, les fragiles et les innocents subissent un ordre des choses que le reste du monde préfère ignorer.

C'est l'histoire d'un besoin, enfin, encore, de pointer du doigt ce qui ne saurait changer sans de profondes décisions politiques, structurelles et structurées, qui se font encore attendre et que tant de victimes sont épuisées de réclamer.

C'est l'histoire d'une femme, de plein d'autres, d'hommes aussi, de personnes victimes et d'autres qui ignorent encore l'être, de ceux qui cachent et de ceux qui taisent, du monde qui change mais jamais vraiment, des sociétés qui se suivent, ont l'air de ne pas se ressembler, et évoluent à peine vers une forme encore timide d'ouverture. C'est l'histoire d'une vie qu'on détruit. C'est l'histoire d'une puissance qui s'affirme. Ce n'est pas une histoire, en fait.

C'est juste la vérité.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker - Chronique n°426

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

À la place du cœur d'Arnaud Cathrine — Chronique n°241