Bilan 2018 - Top 12 de mes meilleures lectures

Mes chères et chers amis, nous y voici. 
2018 vient de s'achever, dans la joie, les effusions d'enthousiasme et un certain ébahissement généralisé - comment, déjà ?

L'année aura été pour moi charnière à plus d'un titre : elle m'aura vue achever ma première année d'études, ainsi qu'un roman au moins de juin, lancer de nouveaux projets comme toujours, lier des liens d'une force et d'une beauté que je n'aurais jamais pu imaginer (vous me pardonnerez le caractère conventionnel de cette formule, car elle est sincère), bref, grandir toujours et un peu plus, affirmer mon style et mes goûts, et forger toujours plus de plaisanteries lamentables. 

Mon bilan littéraire est le parfait reflet de cette tendance : un nombre de lectures achevées constant - avec 125 ouvrages liquidés en douze mois, youpi -, et un penchant qui se confirme pour l'autofiction, les mémoires, les romans qui jouent avec le réel et l'expérience de l'auteur. Les déceptions auront été peu nombreuses et les découvertes rayonnantes multiples. Alors, pour ouvrir en beauté une année qui s'annonce tout aussi formidable, excitante et pleine d'inconnus, voici le top 12 totalement subjectif et totalement déchirant à élaborer de mes meilleures lectures de 2018 !
Blonde de Joyce Carol Oates : un roman plus qu'ambitieux, et ce par bien des aspects. On peut ainsi évoquer son nombre de pages impressionnant (parfois près de 1000 pages selon les éditions tout de même), sa volonté de retracer non seulement le destin mais aussi les pensées les plus intimes de l'une des icônes majeures du siècle dernier, sa plume foudroyante et cruelle, ou encore son rythme implacable. La Blonde, la seule, l'unique, c'est moi, c'est bien entendu la grande et irremplaçable Marilyn Monroe à propos de laquelle tout, et surtout n'importe quoi, a déjà été dit. Joyce Carol Oates ne prétend nullement ici rendre un récit historiquement irréfutable, pas plus qu'elle n'entend fixer la vérité pure : elle imagine une histoire de Marilyn, telle qu'elle aurait pu être, telle qu'elle a peut-être été, telle qu'elle aime à se la raconter. C'est saisissant de beauté, de justesse, de violence et de grandeur, c'est captivant à chaque instant, ça part dans tous les sens mais ça n'en est que plus impressionnant. Littérairement parlant, Blonde vaut aussi le détour : monologues intérieurs, fragments de pensées, narration classique, et autres expérimentations stylistiques débordent de partout. Bref, un ouvrage que je n'hésiterai pas plus longtemps à qualifier de futur classique. 

Ma chronique par ici !
Educated de Tara Westover : le seul ouvrage de "non-fiction" de ce classement m'avait interpellée d'office, par sa couverture tout en simplicité et son résumé plus qu'intrigant. Educated, c'est le récit autobiographique de Tara, une jeune femme américaine née dans une famille extrêmement religieuse, adepte du "survivalisme" et complètement opposée à l'éducation publique. Tara se remémore ainsi ces années de solitude, en autarcie complète, avec pour seule compagnie ses nombreux frères et soeurs et ses parents plus qu'imprévisibles. A l'époque, elle n'a aucune idée du monde réel, elle n'a jamais entendu le mot Shoah, elle n'a pas la moindre idée du fait que toute sa génération est en train de tomber amoureuse de Harry Potter, elle serait bien incapable de se représenter ce qu'il y a au-delà de la vallée où elle a grandi. 
Bien loin de basculer dans le mélo, le récit veille à rester sobre, et n'en devient que plus poignant. On assiste avec l'autrice au lent éveil de son libre-arbitre et à sa décision de se rendre par elle-même "educated", éduquée : c'est cette volonté farouche de dépassement d'elle-même qui impressionne, cette capacité à outrepasser les limites qui lui sont pourtant imposées depuis sa naissance pour atteindre un objectif d'excellence et d'épanouissement pur. Educated est un récit qui laisse une incroyable impression d'humilité, d'émerveillement, et surtout une dose massive d'espoir, parce qu'aussi cliché que cela puisse sonner, il montre qu'absolument rien n'est impossible. Et on en a bien besoin.
[Insérer licornes, paillettes et Bisounours]

Ma chronique par ici !

Mémoire de fille / Les Années d'Annie Ernaux : douces merveilles que les romans d'Annie Ernaux, autrice que j'ai découverte en 2018 par hasard total et de laquelle je suis désormais officiellement amoureuse. 
C'est bien simple, tout me plaît dans la plume de cette écrivaine. 
Ses concessions et autres dialogues avec elle-même, ses souvenirs torturés, les images douces et délicates qu'elle invoque avec une sensibilité que je n'ai jamais trouvée nulle part ailleurs, ses éclats d'intimité dévoilés dans la réflexion, la douleur, l'attendrissement, ses romans aux chronologies complètement éclatées et d'autant plus frappantes. 
Mémoire de fille et surtout Les Années ont été des coups de cœur intersidéraux que je compte bien relire à l'avenir, et qui m'ont émue au-delà de ce que je pensais possible. Coup de cœur pour ce qu'ils racontent, les désillusions, les renoncements et les miracles, coup de cœur pour la façon dont il le racontent, tout en ellipses et en association d'idées, coup de cœur enfin pour ce qu'il m'en reste des mois après les avoir achevés : de l'admiration, de la nostalgie, et de l'espoir. 

Ma chronique de Mémoire de Fille par ici !

Ma chronique de Les Années par ici !
Belle du Seigneur d'Albert Cohen : recommandé avec ferveur, passion et insistance par une certaine personne qui se reconnaîtra sans doute, ainsi que par une chère professeure d'histoire qui en parlait comme de "la plus belle histoire d'amour de toute la littérature", cet ouvrage monumental de près de 1100 pages me fascinait depuis longtemps déjà. 
Alors, par une après-midi brûlante et caniculaire du mois d'août, je me suis plongée dans cette histoire intense et rocambolesque de sentiments ultimes et de troubles exaltés, dans ces monologues intérieurs de 20 pages de long qui n'en sont que plus fascinants, et j'ai goûté à cette plume incomparablement évocatrice d'Albert Cohen, qui donne littéralement tout ce qu'il a à son récit. 
Je n'ai toujours pas écrit ma critique de Belle du Seigneur, et il y a une raison à cela. 
Il me faut trouver les bons mots. 
Parce que synthétiser une telle expérience en quelques dizaines de lignes, c'est loin d'être évident. 
Peut-être même me faudra-t-il le relire pour que je mette enfin le doigt sur toutes les couleurs par lesquelles Belle du Seigneur m'a fait passer. 
Nous verrons bien. D'ici là, malgré son poids impressionnant et le vacarme des gens comme moi qui en chantent les louanges, n'ayez crainte, et foncez. 
Dix-Sept Ans d'Eric Fottorino : vous commencez à le savoir, je suis une sacrée aficionada de quêtes intérieures, de questionnements intimes et autres parcours vers la découverte de l'identité personnelle, ce genre de trucs lyriques et poétiques. Alors forcément, je ne pouvais que me laisser toucher par Dix-sept ans, son narrateur frappé par un secret de famille qui le laisse amer, stupéfait, avide de comprendre au-delà de la réalité sordide, son errance dans un passé inaccessible, sa plume douce-amère, et sa déclaration d'amour à celle dont il pensait quelques pages plus tôt qu'elle avait commis la pire des trahisons. C'est ce que l'on appelle une autofiction, à mi-chemin entre le journal intime et le récit inventé, où les fantasmes et les regrets authentiques se fondent en un tout bouleversant. Et ça, c'est magnifique.

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Leurs Enfants Après Eux de Nicolas Mathieu : j'en ai déjà (trop) longuement : ce fut un coup de cœur instinctif, de l'ordre de ceux que l'on ne cherche même pas à expliquer. C'était dans le choix des tableaux, dans les postures des personnages, dans la fluidité du temps qui passe et la sincérité dépouillée des sentiments décrits, c'était dans la vitesse des pages que je dévorais, c'était dans la mélancolie que je laissais m'envahir petit à petit. C'est un roman de l'instant, de l'immédiat, du ressenti pur. Un roman de l'universel, sans doute, un peu.

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Isidore et les autres de Camille Bordas : Isidore est né dans une famille génialement absurde, ou absurdement géniale, c'est selon. Tous ses frères et sœurs aînés sont à différents stades de leur doctorat, chacun, plus que brillant, a illuminé tout le parcours de ses études avec son intelligence inouïe, et à table, il est plus que probable que vous les trouviez en train de décortiquer la pensée philosophique d'un auteur du haut Moyen-Âge plutôt que de discuter de la texture de la purée.
Isidore devrait être à l'aise avec eux, avec ses proches, avec les siens. 
Et pourtant, il ne se reconnaît pas dans leurs débats, leurs ambitions, leurs réactions. 
Lui se trouve à la ramasse, bon à rien, juste rien. 
Un simple petit gars là où eux sont déjà des surhommes. 
Mais bien sûr, toi, sage lecteur, tu le sens venir, tu vois bien qu'Isidore a tout le potentiel pour être un personnage tout aussi empli de lumière que sa famille au QI monumental, tu devines déjà combien ce formidable petit garçon va te toucher, te surprendre, à quel point tu te retrouveras incapable de te détacher de son récit innocent et éclectique. A travers son existence tout aussi fantasque que pleine de douceur, on n'a d'autre choix que de se ligoter d'amour pour ce personnage, pour toutes les merveilles qu'il expose au grand jour, pour la plume tout en délicatesse de Camille Bordas. En un mot : une parenthèse de lumière et de tendresse. 

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La Petite Femelle de Philippe Jaenada : j'en ai déjà beaucoup, beaucoup parlé, mais reparlons-en je vous prie, La Petite Femelle en vaut la peine.
L'ouvrage s'attelle au fait divers dit "l'affaire Pauline Dubuisson", dont je n'avais jamais entendu parler du haut de mes très innocents 18 ans, mais dont j'ai très vite réalité combien il avait défrayé la chronique dans la France des années 50, et combien de romans, films et autres articles il avait pu inspirer. 
Pauline Dubuisson a tué son ex-petit ami. Et pour une raison que Jaenada va s'évertuer à comprendre, un pays entier s'est acharné sur elle, et une sorte de légende de fascination morbide s'est lentement tissée autour d'elle. 

Alors, pourquoi ce roman ? 
La Petite Femelle, c'est une longue, très longue tentative de comprendre sans juger, d'entrer en contact, de se défaire des préjugés et des biais pour s'approcher au plus près de l'essence d'une personnalité, si tant est que l'essence des personnalités existent vraiment. C'est une oeuvre foisonnante et passionnante, un regard doux et fasciné, une bienveillance, une dérision aussi, une critique plus généralisée de toute une société et de son engouement pour une affaire qui révèle ses propres travers plutôt que ceux de l'accusée. 

Ca se dévore, ça se savoure, ça chamboule. C'était prodigieux.

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Nana d'Emile Zola : j'ai poursuivi cette année mon exploration de la fameuse saga des Rougon-Macquart de Zola, et incontestablement, si La Fortune des Rougon a été ma découverte de l'an dernier, Nana est celle de 2018. Bien évidemment, je suis loin d'être la première à le dire - sans blague -, mais ce roman est à plus d'un titre saisissant : formidablement construit, touchant, glauque, fort, bouleversant, avec une scène finale en un mot brillante. Foncez, vraiment. Ca se lit tout seul (promis).
Danse d'atomes d'or d'Olivier Liron : un roman absolument incomparable à quoi que ce soit de connu, véritable expérience de lecture en tant que telle du fait de sa plume incroyablement lyrique. Danse d'atomes d'or et ses métaphores aussi improbables qu'élégiaques pourront peut-être en agacer certains, mais si vous vous savez sensibles à des plumes inventives, à des textes qui sortent de l'ordinaire et aux émotions retournantes d'intensité, alors n'hésitez pas. 
Le Chœur des Femmes de Martin Wrinckler : il s'agit très techniquement d'une relecture et non pas d'une découverte de l'année, mais vous me pardonnerez cet écart chronologique pour me laisser encore radoter parler quelques instants de cette pépite d'humanité et de sensibilité. C'est un ouvrage à plus d'un titre nécessaire, profondément retournant, qui m'a énormément appris lorsque je l'ai lu pour la première fois il y a quelques années, encore cette fois-ci, à dix-sept ans, et qui le fera sans doute à nouveau à l'avenir. C'est un récit de femmes, sur les femmes, pour les femmes - et pour les autres aussi -, un récit qui comprend, qui guérit et qui écoute, un récit qui soigne et un récit qui construit l'avenir, un récit qui met en lumière des souffrances, des joies et des questions partagées par toutes, qui ne prétend pas en connaître les réponses, mais qui fait tout pour aider ses lecteurs et lectrices à les trouver. 
De même que pour Belle du Seigneur, chronique à venir. Un jour.



Sur ce, je vous souhaite la plus belle des années, de très bonnes lectures, et surtout beaucoup d'instants de bonheur, d'émotion, d'inspiration et de légèreté !

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