Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra - Chronique n°457
Titre : Ce que le jour doit à la nuit
Editions : Pocket
Lu en : français
Nombre de pages : 430
Nombre de pages : 430
Résumé : Mon oncle me disait : "Si une femme t'aimait, et si tu avais la présence d'esprit de mesurer l'étendue de ce privilège, aucune divinité ne t'arriverait à la cheville."
Oran retenait son souffle en ce printemps 1962. La guerre engageait ses dernières folies. Je cherchais Emilie. J'avais peur pour elle. J'avais besoin d'elle. Je l'aimais et je revenais le lui prouver. Je me sentais en mesure de braver les ouragans, les tonnerres, l'ensemble des anathèmes et les misères du monde entier.
Oran retenait son souffle en ce printemps 1962. La guerre engageait ses dernières folies. Je cherchais Emilie. J'avais peur pour elle. J'avais besoin d'elle. Je l'aimais et je revenais le lui prouver. Je me sentais en mesure de braver les ouragans, les tonnerres, l'ensemble des anathèmes et les misères du monde entier.
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Lorsque l'on donne un titre aussi absolument parfait que celui-ci à un roman, les attentes du lecteur ne peuvent être qu'astronomiques.
Les miennes l'étaient.
Elles ont été satisfaites.
L'histoire de Ce que le jour doit à la nuit vous est peut-être parvenue aux oreilles si vous avez eu l'heurt de tomber sur sa tout à fait sympathique adaptation cinématographique, réalisée par Alexandre Arcady - qui est cela dit beaucoup plus portée sur l'aspect purement sentimental de l'histoire que sur son contexte politique, et peut parfois verser vers un registre un peu tire-larmes.
Mais nous ne sommes pas ici pour parler cinéma, pas cette fois.
Nous parlerons aujourd'hui de Younis, d'Emilie, de l'Algérie française, de la guerre qui éclate, des séparations inévitables qui s'ensuivent.
Le roman déploie depuis les premières pages une ambition affirmée et surtout réalisée : faire le récit d'une existence dans sa quasi-intégralité, celle de Younis, que l'on découvre alors qu'il est encore enfant, au sein d'une famille rurale de l'Algérie des années 30. Alors que l'on découvre à peine celui qui deviendra le héros de l'histoire, les parents de ce dernier se retrouvent plongés dans la ruine, et bientôt contraints de confier leur fils à son oncle plus aisé, dans l'espoir qu'il parvienne à s'arracher à la misère. Younes, déraciné des siens, plongé dans un milieu qui n'a rien à voir avec celui dont il est issu, est même débaptisé pour se voir renommé Jonas. Le jeune garçon bientôt jeune homme se retrouve ainsi à naviguer dans une Algérie de plus en plus en proie à la violence et aux tensions, incapable de mener ses choix à bien, qu'ils soient personnels ou identitaires.
On se plonge ainsi dans une chronologie dense et riche, d'autant plus accroché à l'histoire que Yasmina Khadra a cette faculté merveilleuse de parvenir à retranscrire de façon extrêmement fluide et saisissante le passage du temps. Les années défilent, suffisamment vite pour que l'on ne ressente aucune lassitude, et avec suffisamment d'approfondissement pour se sentir pleinement immergé dans le récit.
On est tout de suite frappé par la sensibilité à fleur de peau de l'écrivain, et par extension de son narrateur, par l'écriture tout en images poétiques et en délicatesse, sans non plus chercher à forcer le trait. Younes s'enfonce dans des hésitations paralysantes, qu'elles soient politiques ou romantiques, et on ne peut s'empêcher de se sentir très vite impliqué dans son impossibilité à s'emparer de sa propre identité et d'assumer ses engagements jusqu'au bout. Le roman parvient superbement bien à faire entrevoir la complexité des différentes loyautés auxquelles peut être enchaîné un seul être humain, les troubles qui peuvent naître des chocs entre ses facettes passées et présentes, ou tout simplement les défaillances et les lâchetés propres à tout un chacun tout autant que ses inspirations illuminées. Cela n'a rien d'un manuel d'histoire, le contexte de la guerre en reste à ce rôle de contexte, et l'accent se porte véritablement sur l'histoire de Younes, alors autant vous prévenir : ça va parler sentiments.
C'est une histoire frustrante à plus d'un titre, un flux vertigineux d'erreurs, de quiproquos et de liens qui se distendent sans raisons apparentes, sans jamais pour autant devenir binaire ou exclusivement déprimante. Ce que le jour doit à la nuit est un récit assez indescriptible, doux-amer jusqu'au bout des ongles - ou des pages -, ancré dans des questionnements qui font tout autant sens aujourd'hui qu'il y a quelques décennies. On y apprend le sacrifice, les choses qui sont condamnées à disparaître et celles qui restent, les déchirures de l'oubli, le poids des regrets. On y apprend enfin, et surtout, que s'il reste bien une certitude aux êtres troublés, c'est que même la pire des nuits laisse toujours place à un jour nouveau.
(Oui, ceci était niais.
Mais ceci était absolument lyrique.
J'assume.)
Lorsque l'on donne un titre aussi absolument parfait que celui-ci à un roman, les attentes du lecteur ne peuvent être qu'astronomiques.
Les miennes l'étaient.
Elles ont été satisfaites.
L'histoire de Ce que le jour doit à la nuit vous est peut-être parvenue aux oreilles si vous avez eu l'heurt de tomber sur sa tout à fait sympathique adaptation cinématographique, réalisée par Alexandre Arcady - qui est cela dit beaucoup plus portée sur l'aspect purement sentimental de l'histoire que sur son contexte politique, et peut parfois verser vers un registre un peu tire-larmes.
Mais nous ne sommes pas ici pour parler cinéma, pas cette fois.
Nous parlerons aujourd'hui de Younis, d'Emilie, de l'Algérie française, de la guerre qui éclate, des séparations inévitables qui s'ensuivent.
Le roman déploie depuis les premières pages une ambition affirmée et surtout réalisée : faire le récit d'une existence dans sa quasi-intégralité, celle de Younis, que l'on découvre alors qu'il est encore enfant, au sein d'une famille rurale de l'Algérie des années 30. Alors que l'on découvre à peine celui qui deviendra le héros de l'histoire, les parents de ce dernier se retrouvent plongés dans la ruine, et bientôt contraints de confier leur fils à son oncle plus aisé, dans l'espoir qu'il parvienne à s'arracher à la misère. Younes, déraciné des siens, plongé dans un milieu qui n'a rien à voir avec celui dont il est issu, est même débaptisé pour se voir renommé Jonas. Le jeune garçon bientôt jeune homme se retrouve ainsi à naviguer dans une Algérie de plus en plus en proie à la violence et aux tensions, incapable de mener ses choix à bien, qu'ils soient personnels ou identitaires.
On se plonge ainsi dans une chronologie dense et riche, d'autant plus accroché à l'histoire que Yasmina Khadra a cette faculté merveilleuse de parvenir à retranscrire de façon extrêmement fluide et saisissante le passage du temps. Les années défilent, suffisamment vite pour que l'on ne ressente aucune lassitude, et avec suffisamment d'approfondissement pour se sentir pleinement immergé dans le récit.
On est tout de suite frappé par la sensibilité à fleur de peau de l'écrivain, et par extension de son narrateur, par l'écriture tout en images poétiques et en délicatesse, sans non plus chercher à forcer le trait. Younes s'enfonce dans des hésitations paralysantes, qu'elles soient politiques ou romantiques, et on ne peut s'empêcher de se sentir très vite impliqué dans son impossibilité à s'emparer de sa propre identité et d'assumer ses engagements jusqu'au bout. Le roman parvient superbement bien à faire entrevoir la complexité des différentes loyautés auxquelles peut être enchaîné un seul être humain, les troubles qui peuvent naître des chocs entre ses facettes passées et présentes, ou tout simplement les défaillances et les lâchetés propres à tout un chacun tout autant que ses inspirations illuminées. Cela n'a rien d'un manuel d'histoire, le contexte de la guerre en reste à ce rôle de contexte, et l'accent se porte véritablement sur l'histoire de Younes, alors autant vous prévenir : ça va parler sentiments.
C'est une histoire frustrante à plus d'un titre, un flux vertigineux d'erreurs, de quiproquos et de liens qui se distendent sans raisons apparentes, sans jamais pour autant devenir binaire ou exclusivement déprimante. Ce que le jour doit à la nuit est un récit assez indescriptible, doux-amer jusqu'au bout des ongles - ou des pages -, ancré dans des questionnements qui font tout autant sens aujourd'hui qu'il y a quelques décennies. On y apprend le sacrifice, les choses qui sont condamnées à disparaître et celles qui restent, les déchirures de l'oubli, le poids des regrets. On y apprend enfin, et surtout, que s'il reste bien une certitude aux êtres troublés, c'est que même la pire des nuits laisse toujours place à un jour nouveau.
(Oui, ceci était niais.
Mais ceci était absolument lyrique.
J'assume.)
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