Into the Forest de Jean Hegland - Chronique n°341

Titre : Into the Forest
Auteure : Jean Hegland
Genre : Anticipation
Editions : Dial Press Trade
Lu en : anglais
Nombre de pages : 256
Résumé : 
In many ways, Nell and Eva have experienced a near-idyllic childhood, growing up miles from the nearest neighbor in the forests of northern California. Their father, an iconoclastic grade school principal, has decided to keep them out of school, and their mother has encouraged each of them to follow her own passions. As a result, Eva is determined to become a ballet dancer, while her younger sister, Nell, hopes to matriculate at Harvard.


Despite the fact that their happy world is rocked when their mother dies of cancer, they and their father are determined to carry on. Even as terrorism, a distant war, increasingly unpredictable weather, and an unstable economy, challenge the reliability of social order and infrastructure, their little family continues to hoard its resources and attempts to keep up its spirits as they wait for the lights to come back on, the phone to ring, and the lives they have been anticipating to return to them. But when their father is killed in an accident, and a dangerous stranger arrives at their door, the girls confront the fact that they must find some new way to grow into adulthood.


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Existe également en français !

Titre : Dans la Forêt
Editions : Gallmeister
Résumé (traduction de moi-même) : A tous points de vue, Nell et Eva ont eu droit à une enfance quasi-idyllique, ayant grandi dans une forêt de Californie du Nord à des kilomètres de leur voisin le plus proche. Leur père, directeur d'école iconoclaste, a décidé de les tenir à l'écart d'un établissement scolaire classique, et leur mère les a encouragées à suivre chacune de leur côté leurs propres passions. Résultat, Eva est déterminée à devenir une danseuse classique professionnelle, et sa petite sœur Nell, à intégrer Harvard. 

Même si leur petite bulle paisible se fissure lorsque leur mère est emportée par un cancer, les filles et leur père sont prêts à tout pour que la vie continue. Peu importe que le terrorisme, une guerre lointaine, un climat de plus en plus imprévisible ou une économie instable rendent l'ordre social et ses infrastructures de moins en moins fiables, la petite famille continue de faire des provisions et essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur en attendant que les lumières se rallument, que le téléphone sonne, et que les vies dont ils rêvaient leur soient enfin rendues. Mais à la mort de leur père dans un accident, et alors qu'un étranger menaçant frappe à leur porte, les jeunes filles sont confrontées de plein fouet à la nécessité pour elles de se propulser dans l'âge adulte... à leur façon.

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Sometimes, I just find myself appealed by a book. No matter I don't know anything about its plot, no matter I've never had a glimpse at any review of it, I feel like reading that book.
That is what happened with Into the Forest. And I am happy it did.

I will say it in a few words : this book is gorgeous
I loved every bit of it. 

The main plot-line might seem dull, but don't get mistaken. 
This is the story of two sisters. 
They lost their mother. Then their father. And the rest of their landmarks. 
They world literally fell apart, and their are left with nothing but a house full of supplies their father has been hoarding throughout time, and the vivid dream of a better future. a fantasized version of tomorrow in which Eva, the older sister, would be able to become a ballet dancer, and Nell, the narrator, to matriculate to Harvard. 
So they keep on surviving. But for how long will they be able to play pretend? What kind of life do they want to build? What kind of identities can they attribute themselves in a world they could be the only ones living in?

From the very first page of this book written as Nell's diary, the reader is completely hooked to the poetic and evocative words of Jean Hengland. You simply believe it. You are seized by the constant emergency of survival which has become the sisters' daily preoccupation, by the love that keeps them alive, by their fierce determination to carry on with dreams that belong to the past.
Although each and every part of the story might not seem deeply realistic, especially the very end, the story remains incredibly convincing, and awakes our greatest fears and human instinct. What would be left of us in Nell's and Eva's situation? What could we accomplish? Who are we without a social order to structure our lives? And of course, what is the point?

Nell's thoughts are haunting, beautiful and terrifying at the same time because of their evocative strength. Not only is the survival tale really entertaining, but the second layer of the story, a sort of parable about our human condition, is just as thought-provoking.
This book is not what you think it is. It involves many difficult and important topics in a post-apocalyptic setting, and does not fit in any particular genre. I guess you should just call it an ULO (Unidentified Literary Object!), and of course, dive into it as soon as possible !

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Il est de ces romans dont l'on ne s'explique pas l'effet qu'ils ont sur soi.
Into the Forest en fait partie.

En quelques mots : ce livre est splendide.

A première vue, des histoires de survie, on en a déjà beaucoup lu ou vu. Qu'est-ce qu'un roman supplémentaire pourrait y apporter ? 
Si l'on se concentre sur l'intrigue pure, pas d'innovation renversante, certes.
Mais c'est tout le reste qui fait de ce roman une expérience marquante et inoubliable.

Deux soeurs.
Une forêt.
Plus personne à des kilomètres à la ronde.
Une soif furieuse de survie envers et contre tout, et plus que ça, une indestructible ambition.
Pour Eva, celle de voir son talent de danseuse classique reconnu.
Pour Nell, d'engranger le plus de connaissances possibles pour intégrer l'université d'Harvard, qu'elle a érigée sur un piédestal sans même s'être décidée sur ce qu'elle pourrait y étudier. 

Plus d'électricité, d'Internet, de parents, de voisins, d'activité humaine.
Des dizaines et des dizaines de boîtes de conserve et quelques sachets de thé à économiser précieusement.
Leur horizon pourrait se réduire à cela, mais c'est sans compter sur la plume de Nell, qui court dans le cahier que sa soeur a retrouvé dans un recoin de leur maison.

Elle raconte sa détresse, un peu, mais surtout sa détermination qu'on aurait envie de qualifier d'aveugle, beaucoup. 
Elle laisse libre court aux craintes qui l'agitent, sans non plus se complaire dans son malheur. Son écriture sensible, son rythme si particulier, allant et venant dans le temps au rythme de sa nostalgie, se concentre petit à petit sur l'instant présent et enfin sur l'avenir, s'arrachant aux habits pesants d'un passé révolu. Ses rêves encore empreints d'enfance laissent petit à petit place à une certaine désillusion, mais surtout à l'espoir d'un futur à construire, enfin. Au fil des pages se déploie la force évocatrice d'un récit fourmillant de détails, autant d'instants de vie qui donnent à voir ce qui fait l'humanité telle que l'on peut se l'imaginer.

Quelle part d'humain nous resterait-il en effet si toutes nos structures sociales venaient à s'effondrer ? 
Quels rêves poursuivrions-nous dans le monde terrifiant mais curieusement si crédible de Nell et d'Eva ? 
Que pouvons-nous construire aujourd'hui qui résisterait à la fin du monde telle qu'elles l'ont vécue ? 
Qu'est-ce qui vaut véritablement la peine que nous y consacrions de l'énergie ? 

Autant de questions évoquées dans un ouvrage intense et subtil, qui se savoure aussi bien sur le plan d'un récit classique mais prenant que d'un second plan plus métaphorique, presque une parabole en réalité, qui réfléchit à notre condition humaine.

C'est aussi poétique que dur, aussi fictif que profondément crédible, aussi cru que sensible. Into the forest n'est pas ce qu'il a l'air d'être : il ne pourra que vous surprendre. Il parvient en peu de pages à instaurer une atmosphère intimiste bouleversante, une oppression à laquelle on ne peut se soustraire, et qui est de toute façon trop captivante pour que l'on veuille la quitter. Le sujet post-apocalyptique est finalement un prétexte plus qu'autre chose pour s'attaquer à des problématiques essentielles, et cela ne rend le livre que plus passionnant et digne de votre attention :

Note attribuée : 9,5/10

Au fait, au fait. Une adaptation cinématographique a été réalisée - avec Ellen Page, s'il vous plaît -, disponible sur Netflix, et qui devrait sortir prochainement en France. Je vais me dépêcher de la regarder, et si vous êtes intéressés, je vous donnerai mon avis ! 


Commentaires

  1. Bon ben je le note sans hésiter (bravo d'ailleurs pour même ton avis en anglais, je m'incline !) et ET Elen Page, je suis une graaaande fan donc je me note le film *_* Merci pour ton avis :D

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    1. Merci beaucoup, j'aime beaucoup faire ces avis en anglais haha, je les mets sur le site américain Goodreads mais je ne sais pas si beaucoup d'anglophones les lisent :') En tout cas je vois à vos retours que ça vous plaît à vous francophones, donc je vais bien sûr continuer ! Bref, tout ce blabla pour te dire merci et effectivement, il faut lire ce livre !

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  2. Ce livre me fait envie depuis longtemps (je pensais d'ailleurs le lire en VO, le niveau est-il abordable ?). Ton avis me conforte dans cette idée en tout cas.

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    1. Je te le conseille vraiment vraiment en VO parce que je trouve les mots tellement bien choisis tels quels que j'ai du mal à voir comment la traduction pourrait être aussi évocatrice (même si elle doit être tout à fait qualitative haha !)... Je l'ai sous les yeux en écrivant ce commentaire, et sincerement si tu as déjà lu de la VO c'est largement abordable. C'est beaucoup de vocabulaire du quotidien, de la nature (j'ai appris pas mal de noms de plantes, arbres, éléments naturels etc. : donc c'est super intéressant pour enrichir ton vocabulaire et ca n'empêche pas la compréhension du tout !). Résumé : fonce !

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  3. J'en entends beaucoup de bien, merci pour cette belle chronique !

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    1. et le livre le mérite... Dis moi si d'aventure tu mets les mains dessus ! Merci beaucoup :)

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  4. Ce livre est dans mon cœur depuis sa lecture !! Il nous remet au centre de ce qui doit compter et de l'important... Et on n'y apprends tellement de choses en plu. En tout cas, la couverture de la version anglaise est beaucoup plus jolie que la notre, si tristounette ;-)

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