Commonwealth d'Ann Patchett - Chronique n°504

Titre : Commonwealth
Autrice : Ann Patchett
Genre : Contemporain
Editions : Harper
Date de parution : 2016
Nombre de pages : 322
Lu en : anglais
Résumé : One Sunday afternoon in Southern California, Bert Cousins shows up at Franny Keating’s christening party uninvited. Before evening falls, he has kissed Franny’s mother, Beverly—thus setting in motion the dissolution of their marriages and the joining of two families.

Spanning five decades, Commonwealth explores how this chance encounter reverberates through the lives of the four parents and six children involved. Spending summers together in Virginia, the Keating and Cousins children forge a lasting bond that is based on a shared disillusionment with their parents and the strange and genuine affection that grows up between them.

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Existe également en français

Titre : Orange amère
Editions : Actes Sud
Traductrice : Hélène Frappat

Résumé : 
Pour échapper, le temps d’un dimanche d’été, à sa femme enceinte et à ses trois enfants, Albert s’incruste au baptême de Franny, la fille d’un flic qu’il connaît vaguement. Tandis que les invités se laissent gagner par l’ivresse, il succombe à la beauté renversante de Beverly, la mère du bébé baptisé ce jour de 1964. Le baiser qu’ils échangent est le premier des éboulements que subiront leurs familles, à jamais liées.

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Les romans familiaux/intimistes/générationnels ont quelque chose de bien particulier. Avec eux, c'est quitte ou double. Soit le monologue intérieur des personnages vire au soliloque stérile, et le passage des années suscite davantage la lassitude que l'intérêt, soit l'alchimie s'impose, le lien entre les personnages fait sens, l'émotion surgit et chaque génération charrie avec elle un sentiment de nostalgie toujours plus puissant.
Dans le cas de Commonwealth, le charme opère.
Et pas qu'un peu.


Ce ne pourrait être que l'histoire d'une liaison, d'un pas de côté, celui d'Albert qui se rend sans trop savoir pourquoi au baptême de la fille d'un collègue et en repart avec un baiser de Beverly, la femme dudit collègue.
C'est bien davantage, évidemment.
C'est un récit dense, mélancolique sans être plombant, scandé par les regrets et frustrations de tout un ensemble de personnages, deux familles bousculées l'une contre l'autre bien malgré elles, contraintes à une cohabitation qu'elles n'acceptent que de mauvaise grâce, et regrettent des années durant. On s'attache aux enfants autant qu'on leur reproche leur griefs injustifiés, on plaint les parents autant qu'on blâme leur inconstance et leurs mensonges, on se laisse emporter, tout simplement, sans plus chercher à juger ni à comparer, dans l'acceptation sincère des fêlures et des imperfections de ces personnages troublés. Il y a les enfants paumés ou ingrats, les parents amers, les relations malmenées, les affections qu'on ne s'attendait pas à voir renaître, les accidents de parcours et les petits miracles du quotidien, autant d'ingrédients narratifs dont la combinaison produit une atmosphère assez indescriptible qui donne tout son intérêt au roman : nostalgique sans être passéiste, réaliste sans être purement pessimiste. 

On retient l'écriture remarquable d'Ann Patchett, peut-être l'élément qui accroche le lecteur avec le plus d'efficacité, d'autant plus remarquable que le genre du roman générationnel a tendance à lisser le style, privilégiant la fluidité à l'originalité du récit : rien de tout ça ici, le texte est puissant, bien structuré, intense. On peut aussi penser à son sens du rythme, sa façon de doser parfaitement les passages plus introspectifs et les scènes de confrontation, créant ainsi une sorte de temporalité distincte propre à l'histoire, où les souvenirs et le présent des personnages coexistent dans une harmonie constante. On est enfin surpris par les membres de ce drame familial tout en subtilité et en retenue, en réalisant une fois la dernière page tournée que les figures que l'on pensait détester au départ sont finalement celles auxquelles on s'est le plus attaché, et dans lesquelles on a reconnu le plus de ses propres traits. 

C'est un roman qui surprend, qu'on peut s'attendre à n'apprécier que de façon tranquille et mesurée, mais qui s'avère receler un formidable pouvoir de suggestion, d'émotion et d'introspection. Commonwealth est une lecture fantastiquement lumineuse, qui résonnera de façon différente avec chacun en fonction de son vécu et de sa sensibilité, et qui évoque certes des trajectoires complexes et souvent sombres, mais qui dégage avant tout une forme d'espoir, de reconnaissance, et une lucidité bienfaisante.


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