Miroir de nos peines de Pierre Lemaitre - Chronique n°500

Titre : Miroir de nos peines
Auteur : Pierre Lemaitre
Genre : Historique
Editions : Albin Michel
Lu en : français
Date de parution : 2020
Résumé : Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu’elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d’une période sans équivalent dans l’histoire où la France toute entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches... Et quelques hommes de bonne volonté.

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Il y a eu Au Revoir Là-Haut, son humour glaçant et ses envolées presque surréalistes, il y a eu Couleurs de l'Incendie, son atmosphère à la fois entachée de tristesse et électrisante de détermination, voici Miroir de nos peines, son joyeux bazar, sa flamme indescriptible, sa générosité constante. Pierre Lemaitre pose ici le point final de ce qui est devenu l'une des trilogies historiques françaises les plus populaires des dernières années, renouant avec certains personnages de son univers fictif - et notamment ici Louise, que l'on avait déjà croisée dans le premier opus -, et y incorporant tout un ensemble de nouveaux visages aux pérégrinations diverses et variées. Après les années post-Première Guerre mondiale et leurs hypocrisies, le pénible malaise de l'entre-deux-guerres, à cheval entre satisfaction et culpabilité, il plonge ici le lecteur dans la débâcle de l'année 1940 en France, sa fausse sécurité, la façon dont un pays entier est parvenu à fermer les yeux sur un désastre annoncé des mois durant avant d'être précipité dans le chaos. 

On retrouve la capacité virtuose de Pierre Lemaitre à effeuiller son récit en une multitude de couches narratives, à passionner ses lecteurs pour le parcours de tout un ensemble de personnages disparates. On saute d'une intrigue à l'autre, curieux, galvanisé, impatient, on se prend d'amour pour certains, de mépris pour d'autres, on se heurte au caractère opaque du comportement de quelques-uns d'entre eux. Le récit est mené d'une main de (Le)maître - pardon - par un écrivain qui maîtrise clairement ses pics d'action et ses temps morts, et on a vite fait d'engloutir les quelques 500 pages qui constituent le roman. 

Moins tortueux et facétieux que les deux tomes précédents, Miroir de nos peines n'en est pas moins touchant, avec un spectre de personnages peut-être plus large que pour les deux premiers opus, permettant ainsi à l'intrigue de devenir plus sensible, plus parlante pour l'ensemble des lecteurs. Ces personnages perdus et hétéroclites largués dans un monde que plus personne ne comprend, ce pourrait être n'importe lequel d'entre nous, ces destins chaotiques tressés au fil de mésaventures aussi imprévisibles que chahutées, ce sont autant de réaffirmations de la capacité de résilience inouïe propre à l'être humain, de son empathie, de son pouvoir de reconstruction, même au fond du trou. 

Lemaitre parvient une fois encore à mêler l'anecdotique à l'historique, le tragique au pittoresque, et convainc par son tableau recherché et surtout vivant de personnages aux parcours loin d'être toujours vraisemblables, mais qui demeurent malgré tout crédibles dans le contexte du récit. On aurait peut-être aimé un ton encore plus mordant, des peines encore plus saisissantes et un peu plus de poids accordé à certains protagonistes - sans trop en dire, il y aurait peut-être eu encore plus à faire avec le personnage de l'avocat -, mais le contrat est encore une fois plus qu'honoré, et je ne saurais trop vous enjoindre à faire la découverte de ce Miroir !

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