Au commencement du septième jour de Luc Lang - Chronique n°453

Titre : Au commencement du septième jour
Auteur : Luc Lang
Genre : Contemporain
Editions : Folio
Lu en : français
Nombre de pages : 624
Résumé : 4 h du matin, dans une belle maison à l'orée du bois de Vincennes, le téléphone sonne. Thomas, 37 ans, informaticien, père de deux jeunes enfants, apprend par un appel de la gendarmerie que sa femme vient d'avoir un très grave accident, sur une route où elle n'aurait pas dû se trouver. Commence une enquête sans répit alors que Camille lutte entre la vie et la mort. Puis une quête durant laquelle chacun des rôles qu'il incarne : époux, père, fils et frère devient un combat. 
Jour après jour, il découvre des secrets de famille qui sont autant d'abîmes sous ses pas. De Paris au Havre, des Pyrénées à l'Afrique noire, Thomas se trouve emporté par une course dans les tempêtes, une traversée des territoires intimes et des géographies lointaines.

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Thomas a 37 ans, une femme débordée par son travail qu'il voit de moins en moins mais qu'il aime profondément, deux enfants, et une belle maison à Vincennes.  
En gros, tout va bien.
Jusqu'à ce qu'il reçoive un appel de la gendarmerie, ce genre d'appel.
Alors qu'elle était au téléphone, sa femme a eu un grave accident de voiture, et est désormais plongée dans le coma. 
On n'arrive pas encore à estimer ses chances de survie.
L'enquête est lancée pour comprendre ce qu'il s'est passé.

Thomas est ainsi laissé seul face à ses ignorances, à ses échecs, à ses défis pour l'avenir. C'est à lui que revient la tâche de se relever, de trouver des réponses, d'assumer son rôle de parent, de mari, mais aussi de frère ou encore d'ami. Lui qui vivait sa vie en spectateur doit désormais investir toutes les responsabilités, et ce malgré ce qu'il lui en coûtera.

C'est une histoire qui malmène quelque peu son lecteur, lui envoie des ellipses monumentales dans la figure sans prendre la peine de lui expliquer ce qu'il se passe, le pousse dans ses retranchements et l'abandonne avec un final aussi retentissant que déconcertant. C'est une lecture exigeante, aux phrases longues et tortueuses, au personnage taciturne et taiseux, à la plume bavarde et furieusement rythmée. Luc Lang parvient extrêmement bien à donner voix à ses personnages, et s'en donne à cœur joie lorsqu'il s'agit d'exposer leurs troubles et autres atermoiements. Le résultat est immédiat : dès les premières pages, on est saisi et déchiré par l'histoire de ce héros assez antihéroïque et insondable, dont les errements tortueux se font de plus en plus touchants avec les pages. Entre incompréhension, abattement, résignation et frustration, on se prête tout de suite au jeu des questions du narrateur : pourquoi ? Comment ? Va-t-elle seulement survivre ? Que faisait-elle sur la route à cette heure avancée de la nuit ? Et pourquoi cet appel mystérieux au téléphone ? Comment envisager l'avenir, désormais ? Quel avenir seulement reste-t-il à envisager ?

Ce segment - le plus réussi à mes yeux - constitue une première partie, qui sera suivie d'une deuxième consacrée à un "retour aux sources" de la part de Thomas, puis enfin d'une dernière partie sur un tout autre continent, où notre protagoniste retrouve sa sœur aînée dans une quête assez indéterminée.  On a ainsi une chronologie éclatée et complètement hétérogène, avec très peu de lien entre les trois parties : le présent, avec l'accident, l'exploration du passé, et une sorte de projection vers un futur désorientant. 

Au commencement du septième jour souffre d'un défaut majeur : la gestion des implicites et des explicites. C'est bien simple : le roman aurait, à mon très humble avis, considérablement gagné en puissance s'il avait laissé un silence pudique sur l'histoire de Jean - que l'on avait très bien comprise en partie II et qu'il était dommage de rappeler explicitement en partie III - et avait donné les clés pour comprendre celle de Camille - qui n'est traitée qu'en partie I à proprement parler, et encore, essentiellement avec des points d'interrogation. 

Luc Lang offre ici une histoire débordante d'ambition et surtout de potentiel, avec une partie I assez brillante et une partie II très réussie dans un autre registre, mais s'égare à vouloir multiplier les sous-intrigues, et abandonne celle qui captive le plus le lecteur pour brosser un passage assez caricatural dont on a du mal à saisir la pertinence en partie III. Le livre en lui-même se dévore, malgré les passages à vide, malgré les interrogations - et peut-être aussi grâce à elle -, et s'intègre comme un tout, un marathon littéraire, une expérience. On en ressort presque essoufflé, déconcerté certainement, assez admiratif aussi de l'étendue de l'exigence littéraire de l'auteur. 

Il est donc assez impossible de cerner Au commencement du septième jour et de vous le vendre en quelques mots. Si l'on s'y prend point par point, on peut affirmer que c'est un sacré pavé, un texte très littéraire et recherché, un character study comme disent nos amis anglophones, une sacrée prise de tête un peu brumeuse de temps à autre, une véritable expérience, une histoire qui laisse un sentiment de malaise et de stupeur, mais aussi un certain émerveillement face à la grandiloquence de son style et la ferveur des émotions qu'elle décrit.

Il s'agit d'un roman dont je ne peux vous assurer qu'il vous plaira, mais dont je peux déjà être certaine qu'il vous fera de l'effet. A vous de voir si vous êtes prêt à retenir votre souffle pour ces six cent et quelques pages : très personnellement, je reste sur le gros regret de la partie III, et demeure convaincue que le roman aurait pu être encore meilleur s'il avait été un peu moins "conscient" de lui-même, de son style, de ses provocations, mais on ne peut nier que l'ensemble vaut le détour, et que ce récit saura quoi qu'il en soit créer le débat. 



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