Le Vallon des Lucioles d'Isla Morley - Chronique n°553

 Titre : Le Vallon des Lucioles
Autrice : Isla Morley
Genre : Historique
Editions : Seuil
Traduit par : Emmanuelle Aroson
Lu en : français
Nombre de pages : 480

Résumé : 1937, Kentucky. Clay Havens et Ulys Massey, deux jeunes photographe et journaliste, sont envoyés dans le cadre du New Deal réaliser un reportage sur un coin reculé des Appalaches.

Dès leur arrivée, les habitants du village les mettent en garde sur une étrange famille qui vit au cœur de la forêt. Il n’en faut pas plus pour qu’ils partent à leur rencontre, dans l'espoir de trouver un sujet passionnant. Ce qu’ils découvrent va transformer à jamais la vie de Clay et stupéfier le pays entier. À travers l'objectif de son appareil, se dévoile une jeune femme splendide, Jubilee Buford, dont la peau teintée d’un bleu prononcé le fascine et le bouleverse.

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Clay et Ulys sont deux jeunes journalistes malmenés dans leurs ambitions par un contexte économique loin de leur être favorable : en gros, quand on est jeune et qu’on travaille dans la presse des années 30 aux Etats-Unis, pour manger, mieux vaut mettre ses convictions de côté. A vrai dire, s’ils arrivent encore à travailler, c’est surtout grâce au prestige d’un prix Pulitzer passé, et leurs reportages sont plus alimentaires qu’engagés. C’est donc dans un état d’esprit assez résigné que les deux comparses se rendent à Chance, Kentucky, un obscur petit village serti dans les Appalaches, dans l’espoir d’y trouver de la matière pour un reportage. L’endroit s’avère clairement déstabilisant pour eux, si ce n’est hostile, notamment en raison du comportement des habitants, qui semblent mis à vif par la présence d’individus mystérieux vivant quelque part dans un coin encore plus reculé, le Vallon des Lucioles. Il n’en faut pas plus pour que les deux journalistes voient dans cette étrange rumeur l’objet d’un reportage : tous deux se mettent alors en quête de ces intrigants inconnus, dans une quête qui les pousse bien vite à reconsidérer leur définition de leur métier, si ce n’est de ce qu'ils entendent par le terme "humanité".

Eh ouais.

Rien que ça.

Le Vallon des Lucioles a pour lui une intrigue solide, bâtie de façon très structurée, et dont les retournements suscitent immédiatement un intérêt fort auprès du lecteur. On lui reconnaîtra également un côté très entraînant, une fluidité, des personnages très efficaces qu’on se plaît vite à suivre, mais voilà, le roman pêche sur d’autres plans, notamment son rythme, et sa prose quelque peu décevante. La première moitié du récit est en effet d’une lenteur qui lui permet certes de construire une véritable atmosphère, mais qui va paralyser le rythme de l’intrigue au point de lasser quelque peu, avant une deuxième moitié certes bien plus dense mais qui manque aussi d’équilibre, avec des ellipses qui auraient pu être mieux introduites, un dénouement si rapide qu’il en devient saccadé, et des thématiques très pertinentes qu’on aurait aimé voir plus développées. Quelle frustration, après deux cents ou trois cents pages de longues descriptions et d’effets d’annonce dont on devine assez bien les retombées, de voir l’intrigue tant attendue se dérouler aussi vite et de façon aussi convenue ! Les enjeux posés dans la première partie sont certes développés, mais avec bien moins d’ampleur qu’on l’aurait espéré, et je crois sincèrement que le roman aurait gagné à repenser sa structure pour donner plus de respiration à ses péripéties centrales.

L’autre élément de déception a sans conteste été la traduction : on devine en filigrane un texte anglophone plutôt riche, mais cela ne se retranscrit malheureusement pas dans la traduction, où le vocabulaire choisi est plutôt pauvre, les dialogues très écrits, au point qu’ils peinent à paraître naturels, et les constructions et autres images littéraires plutôt galvaudées.

Qu’on ne s’y trompe pas, le tout se lit avec une vraie aisance et constitue une bonne parenthèse d’immersion aux personnages forts et à la narration fluide, mais il est assez décevant de constater qu’une histoire au potentiel aussi fort se résume hélas à une sorte de romance assez prévisible aux enjeux très vite désamorcés, et aux payoffs assez faiblards au vu de ce que la première partie avait laissé augurer. On lit Le Vallon des Lucioles sans déplaisir, mais on est en droit de se demander ce qu’il nous en restera une fois le roman terminé. L’action est bien là, mais elle arrive après un tel nombre de pages qu’il est presque « trop tard » pour s’y impliquer émotionnellement, et on parcourt cette histoire avec une sincère curiosité, mais sans réel impact affectif, d’autant plus qu’elle n’est pas exempte de certains tropes narratifs un peu lassants.

Commentaires

  1. Bonjour à toutes et à tous! Juste pour info: je viens de faire paraitre, en janvier, un roman intitulé « Bleu », dont le point de départ est le même fait divers… Le traitement en est assez différent. J’ai situé l’action en France (le fait divers n’a été pour moi qu’un point d’inspiration), dans un village au tout début du vingtième siècle. Plusieurs chroniqueuses et chroniqueurs ont déjà critiqué les deux romans (sur Babelio notamment). Si vous voulez en savoir plus…
    Touts les informations sur ce site: https://www.editions-vendeursdemots.com/
    Bonne journée

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