Les Garçons de l'Ete de Rebecca Lighieri - Chronique n°343

Titre : Les Garçons de l’été
Auteure : Rebecca Lighieri
Editions : P.O.L.
Genre : Contemporain
Lu en : français
Nombre de pages : 441
Résumé : Études brillantes, famille convenable et convenue, beauté radieuse et maîtrise du surf, Thadée et Zachée ont cru que l’été serait sans fin. Que la vie se passerait à chevaucher les vagues, entre jaillissements d’embruns et poudroiements de lumière. Mais en mutilant sauvagement Thadée un requin-bouledogue le prive de l’existence heureuse auquel il semblait voué : il est devenu un infirme. La bonne santé des uns, la sollicitude des autres le poussent à bout. Et le révèlent à lui-même...


Vous voyez, ce roman que l’on ouvre et referme assis exactement au même endroit ?
Ce texte qui poursuit son lecteur des jours et des jours après avoir livré sa dernière phrase ?
Ces personnages auxquels on s’attache si viscéralement qu’on a le souffle coupé de les quitter ?
Tout cela, c’est ce qui constitue Les Garçons de l’été, avec son résumé ridiculement court et pourtant envoûteur.

La mer.
Deux frères.
Un requin.

[Aïe]

Une blessure.
Une fin.
Un traumatisme.
Une guérison qui ne s’achèvera sans doute jamais complètement.

C’est le début d’un récit terrible qui ne se gêne pas pour violenter son lecteur et l’entraîner d’un extrême émotionnel à l’autre. Horreur, affection, incompréhension et surtout choc sont au rendez-vous. 
Et lentement, la machine de la destruction se met en marche.
Les masques tombent.
Les structures fragiles sont ébranlées. 
Et le chaos naît des cendres de l'ordinaire.

Les Garçons de l'Ete est un roman que je qualifierais de parfait, non pas dans le sens où c'est un absolu idéal, mais dans le sens étymologique du terme, totalement achevé, abouti. Chacun de ses enjeux est soigné, pris en compte, chacun de ses décors est projeté dans la conscience de son lecteur, chacun de ses dialogues emporte par sa vivacité. C'est un de ces livres qui fait oublier que l'on est en train de lire. Il n'est sans doute pas dépourvu de certains défauts, comme chaque oeuvre littéraire. Mais aucun d'entre eux ne se révèle en tout cas de façon gênante au cours de la lecture, et on ne conserve de cette histoire qu'un sentiment de fascination. 

L’auteure opère un travail remarquable sur la voix de chacun de ses protagonistes. En effet, la narration des chapitres est faite par les différents membres de la famille, de façon aussi imprévisible que dynamique. On ne peut qu’être convaincu par la logique et le naturel de chaque passation de « témoin narratif », alors que l’on s’enfonce de plus en plus dans les méandres de la vie brutale de ces personnages que rien n’avait préparé à affronter tant de violence d’un coup. Désillusion, espoir et peur s’entremêlent pour donner naissance aux poisons les plus terribles : le ressentiment et la vengeance.

Les Garçons de l’été ne séduit pas tant par son histoire mouvementée, bien que celle-ci soit déjà rythmée et approfondie de façon tout à fait satisfaisante, que par la capacité qu’il a de donner à voir aussi bien les décors que les sentiments qu’il met en jeu. On ressent l’action, le drame, l’injustice. On se projette dans une expérience multisensorielle à la Réunion, puis dans un univers froid et cruel au sein de cette famille en pleine implosion, dans une situation intenable qui réveille les instincts humains les plus furieux.
               
Que dire enfin du soin porté à la personnalité de chacun des personnages ? Pas besoin de paragraphes et de paragraphes pour saisir l’essence de chacune de ces figures, cette compréhension furtive qui permet en un rien de temps de se lier à certains protagonistes et d’en haïr d’autres avec fièvre. La longue descente aux enfers qu’ils doivent subir n’est que plus prenante, déchirante, saisissante de réalisme, grâce à cette impression que l’on a de les connaître en profondeur. C’est un voyage aux racines même de ce qui fait notre humanité, d’autant plus efficace et pernicieux qu’on ne l’avait pas vu venir, lui qui commençait innocemment avec une histoire de vacances sur une île.

Ne vous fiez donc pas à la couverture blanche et sage de cet ouvrage passionnel et passionnant : ce sont les pires drames et les pires vicissitudes que vous vous apprêtez à rencontrer en vous en emparant, mais aussi une intrigue haletante au rythme implacable, des portraits de personnages saisissants, une écriture évocatrice, pour un récit abouti, cynique, dur, humain et dont on qualifiera la propension à jouer avec les nerfs de son lecteur de cruelle.

Par contre, je préviens, c’est violent, hein. Si t’as douze ans, évite. C’est pas contre toi. 

Commentaires

  1. Je ne connaissais pas du tout, mais il a l'air génial !!! Merci de me l'avoir fait découvrir :)

    RépondreSupprimer
  2. En effet, ce livre a l'air assez "hantant" x) je note !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker - Chronique n°426

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517

À la place du cœur d'Arnaud Cathrine — Chronique n°241