Le Bal des folles de Victoria Mas - Chronique n°497

Titre : Le Bal des Folles
Autrice : Victoria Mas
Editions : Albin Michel
Date de parution : 2019
Genre : Historique
Lu en : français
Nombre de pages : 
Résumé : Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires.
Réparti sur deux salles – d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques – ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.

----------------------------------------------------------------

Chaque année, à la rentrée littéraire, il y a quelques surprises, quelques révélations, quelques percées dans la masse de nouveautés. En 2019, il y a eu Le Bal des Folles, ses multiples prix dont le Renaudot des Lycéens, l'enthousiasme assez unanime qu'il a suscité à sa parution. Ancré dans le Paris du XIXème siècle, le roman décrit le sort de femmes internées à la Salpêtrière pour hystérie, folie ou manie en théorie - toutes formes d'anomalies par rapport au diktat de la femme conforme en réalité. Elles sont célibataires, mystiques, amoureuses, bizarres, rebelles, elles ont souvent plus de problèmes avec les autres qu'avec leur propre santé, mais le résultat est le même : elles croupissent entre les quatre murs de leur asile, où elles subissent les expérimentations du docteur Charcot, qui ne se prive pas de les exposer au public pour répandre la légende de son génie scientifique.

L'objet du titre - et de la curiosité du lecteur -, le bal des folles, est quant à lui une tradition de la mi-carême consistant en un grand bal auquel est convié le Tout-Paris, avec en clou du spectacle la présence des folles de la Salpêtrière, déguisées, intégrées pour une soirée seulement au reste de la société.

On est d'accord : cette idée est formidable, et ce synopsis est purement alléchant. Ajoutez à cela l'aura de critiques positives qui flotte au-dessus de cet ouvrage, et vous atteignez un niveau d'enthousiasme assourdissant. Malheureusement, dans mon humble cas, la déception n'en a été que plus profonde. Que ce soit sur le plan de l'écriture, de l'intrigue ou du propos général du roman, tout m'a paru curieusement fade, inachevé, brouillon, aboutissant à un ouvrage insaisissable et terriblement frustrant.

Le style en lui-même n'a rien de catastrophique, mais on ne peut pas dire non plus qu'il marque par une poésie spécifique ou un sens du rythme particulier. Les phrases sont informatives, efficaces certes, mais assez fonctionnelles, tandis que la façon dont les personnages sont présentés demeure très explicite, conventionnelle. On nous explique plus qu'on ne suggère, et cela se confirme tout au long du récit, au fur et à mesure que les intrigues se déroulent de façon finalement assez prévisible. Quant au fameux bal des folles, la pièce de résistance, il est assez décevant de constater qu'il n'est pas abordé avant les tous derniers instants du récit, l'espace de quelques pages seulement, avec finalement assez peu de péripéties palpitantes ou de descriptions marquantes. On a donc le sentiment d'avoir signé pour un autre livre que celui que l'on a entre les mains, qui n'a encore une fois rien de vraiment mauvais, mais qui n'est finalement qu'une classique histoire chorale avec plusieurs personnages féminins, comportant chacun un trait de personnalité majeur et une quête principale, qui convergent plus ou moins vers le dénouement (et encore, toutes n'ont pas droit au même traitement ni au même degré de résolution). Certes, ça reste équilibré en terme de narration et ambitieux au niveau du choix du sujet, mais le traitement reste dans la retenue, avec un récit bref, fait d'ellipses et de descriptions rognées, et des parcours décrits de façon trop superficielles pour être véritablement impactants. Même les scènes censées être choquantes ou éprouvantes s'avèrent finalement assez oubliables, tant le lecteur est maintenu à distance du récit par la plume strictement factuelle de l'autrice. 

Le Bal des Folles n'était donc pas le roman pour moi : fluide certes, mais trop peu exigeant dans son déroulement, sa conclusion et sa forme à mon sens. Le sujet aurait pu être intéressant, mais le tout manque cruellement d'originalité, de saveur, de piques de la part de l'autrice qui aurait pu aller tellement plus loin en termes de dénonciation, d'investissement, de parallèles avec notre époque ou même d'approfondissements de la période historique qu'elle a choisie comme décor. Une déception malheureusement renforcée par le potentiel que l'ouvrage montrait dans ses premières pages. 

Commentaires

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Pourquoi faire un film en noir et blanc en 2021 ? [Capucinéphile]

La Disparition de Stephanie Mailer de Joël Dicker - Chronique n°426

Une Femme d'Anne Delbée - Chronique n°427

À la place du cœur d'Arnaud Cathrine — Chronique n°241

J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda - Chronique n°517