Le Maître des Illusions de Donna Tartt - Chronique n°480
Titre : Le Maître des Illusions
Autrice : Donna Tartt
Genre : Contemporain
Editions : Le Livre de Poche
Lu en : français
Date de parution : 1992
Nombre de pages : 704
Résumé : En décrochant une bourse à l'université de Hampden, dans le Vermont, Richard Papen ne laisse pas grand chose derrière lui : la Californie, qui lui déplaît ; son adolescence, faite de souvenirs incolores ; et ses parents, avec qui il ne s'entend pas. Hampden est une porte de sortie inespérée, l'opportunité de vivre une nouvelle vie. Passées quelques semaines, il est bientôt attiré par un professeur atypique, Julian Morrow, esthète capricieux qui enseigne les lettres classiques à cinq étudiants apparemment très liés. Contre l'avis de ses professeurs, il tente de s'introduire dans le groupe de ces jeunes gens marginaux sur qui courent les plus folles rumeurs. Et il est loin d'imaginer ce que lui coûtera sa curiosité.
-------------------------------------------------
Le Maître des Illusions est une lecture terriblement difficile à résumer. Plusieurs semaines après en avoir tourné la dernière page, on demeure saisi par la foule d'émotions contradictoires, de décors, de sensations et de conflits qu'il dégage, par son atmosphère à la fois irrationnellement envoûtante et dans le même temps oppressante. C'est une histoire d'étudiants au bord de l'âge adulte, d'instruction, d'initiation, de révélation, de dissimulation. C'est l'histoire de tout le monde sauf du narrateur, qui se pose en spectateur des événements et ne fait que les relater le plus fidèlement possible - du moins, c'est ainsi qu'il se raconte. C'est un roman trompeusement facile à lire, fluide, entraînant, addictif même, dont l'intrigue s'articule cependant en plusieurs couches et sous-couches de symboliques, de mensonges et de pièges.
L'histoire introduit le lecteur à Richard, le narrateur donc, qui grandit dans un trou perdu de Californie et obtient par miracle une bourse d'études dans une prestigieuse université à l'est du pays. Là-bas, alors qu'il s'est inscrit dans un cursus assez classique, il découvre l'existence d'un groupe très particulier d'étudiants. Au nombre de cinq, ces jeunes suivent la totalité de leurs cours auprès d'un seul professeur, et se dédient notamment à une étude poussée du grec ancien. Au fil des semaines, Richard se familiarise avec la bande des hellénistes aux manières improbables et au charme certain. Apprentissage, désillusion, ambition, érudition : à leur contact, le narrateur parvient certes à quitter son personnage quelque peu incolore, mais il se confronte surtout à des réalités qui risquent de lui faire perdre toute innocence.
Là où Donna Tartt livre un roman réellement efficace, c'est dans la façon dont elle parvient constamment à maintenir une tension implacable et surtout à jouer avec les nerfs et le cerveau de son lecteur. L'autrice a l'intelligence de chambouler la trame classique d'un récit "à mystère", refusant le parcours classique "exposition-péripéties-résolution". Au contraire, en dévoilant son grand retournement de situation en plein milieu de roman, elle ne fait que revivifier l'intérêt du lecteur pour la narration de Richard. L'histoire s'embarque alors vers des directions inédites et d'autant plus captivantes, et c'est là que le récit devient inoubliable. L'intérêt ultime du Maître des Illusions ne réside en effet pas tant dans ce que les fameux étudiants dévoilent, mais dans tout ce qui réside autour : les vices qui les ont poussés à se comporter comme ils l'ont fait, ceux qui les empêchent de l'assumer, ceux qui vont les mener à aller plus loin encore ou à embarquer Richard dans leur élan d'orgueil et d'excès, d'hybris en somme.
Le Maître des Illusions suscite l'indignation, la passion, le trouble ; ses plusieurs centaines de pages sont synonymes d'autant d'heures avides de lecture intriguée, de retournements insoupçonnés et de dilemmes moraux vicieux. L'ouvrage laisse derrière lui une très forte impression, consolidée par une histoire implacable, des personnages tortueux, et surtout une proposition romanesque audacieuse. On pardonne aisément au texte ses quelques éléments improbables et autres questions laissées en suspens, de même que sa fin par certains aspects assez frustrante, tant l'aventure qu'il propose est originale, flamboyante, provocatrice. On sent réunis à la fois l'enthousiasme d'une jeune autrice dont il s'agit du premier roman, mais aussi la maturité d'un récit dont la rédaction a nécessité des années et des années de travail - Donna Tartt met en moyenne une dizaine d'années à écrire chacun de ses romans. Voilà -. Le roman est ainsi profondément jouissif, se moque de la morale, sans non plus verser dans la provocation gratuite. Il titille le lecteur, le malmène, le pousse au bord du malaise en le rendant complice de l'innommable. Il dérangera peut-être, happera certainement, et fera dans tous les cas vivre une expérience de lecture assez rare. A découvrir absolument.
-------------------------------------------------
Le Maître des Illusions est une lecture terriblement difficile à résumer. Plusieurs semaines après en avoir tourné la dernière page, on demeure saisi par la foule d'émotions contradictoires, de décors, de sensations et de conflits qu'il dégage, par son atmosphère à la fois irrationnellement envoûtante et dans le même temps oppressante. C'est une histoire d'étudiants au bord de l'âge adulte, d'instruction, d'initiation, de révélation, de dissimulation. C'est l'histoire de tout le monde sauf du narrateur, qui se pose en spectateur des événements et ne fait que les relater le plus fidèlement possible - du moins, c'est ainsi qu'il se raconte. C'est un roman trompeusement facile à lire, fluide, entraînant, addictif même, dont l'intrigue s'articule cependant en plusieurs couches et sous-couches de symboliques, de mensonges et de pièges.
L'histoire introduit le lecteur à Richard, le narrateur donc, qui grandit dans un trou perdu de Californie et obtient par miracle une bourse d'études dans une prestigieuse université à l'est du pays. Là-bas, alors qu'il s'est inscrit dans un cursus assez classique, il découvre l'existence d'un groupe très particulier d'étudiants. Au nombre de cinq, ces jeunes suivent la totalité de leurs cours auprès d'un seul professeur, et se dédient notamment à une étude poussée du grec ancien. Au fil des semaines, Richard se familiarise avec la bande des hellénistes aux manières improbables et au charme certain. Apprentissage, désillusion, ambition, érudition : à leur contact, le narrateur parvient certes à quitter son personnage quelque peu incolore, mais il se confronte surtout à des réalités qui risquent de lui faire perdre toute innocence.
Là où Donna Tartt livre un roman réellement efficace, c'est dans la façon dont elle parvient constamment à maintenir une tension implacable et surtout à jouer avec les nerfs et le cerveau de son lecteur. L'autrice a l'intelligence de chambouler la trame classique d'un récit "à mystère", refusant le parcours classique "exposition-péripéties-résolution". Au contraire, en dévoilant son grand retournement de situation en plein milieu de roman, elle ne fait que revivifier l'intérêt du lecteur pour la narration de Richard. L'histoire s'embarque alors vers des directions inédites et d'autant plus captivantes, et c'est là que le récit devient inoubliable. L'intérêt ultime du Maître des Illusions ne réside en effet pas tant dans ce que les fameux étudiants dévoilent, mais dans tout ce qui réside autour : les vices qui les ont poussés à se comporter comme ils l'ont fait, ceux qui les empêchent de l'assumer, ceux qui vont les mener à aller plus loin encore ou à embarquer Richard dans leur élan d'orgueil et d'excès, d'hybris en somme.
Le Maître des Illusions suscite l'indignation, la passion, le trouble ; ses plusieurs centaines de pages sont synonymes d'autant d'heures avides de lecture intriguée, de retournements insoupçonnés et de dilemmes moraux vicieux. L'ouvrage laisse derrière lui une très forte impression, consolidée par une histoire implacable, des personnages tortueux, et surtout une proposition romanesque audacieuse. On pardonne aisément au texte ses quelques éléments improbables et autres questions laissées en suspens, de même que sa fin par certains aspects assez frustrante, tant l'aventure qu'il propose est originale, flamboyante, provocatrice. On sent réunis à la fois l'enthousiasme d'une jeune autrice dont il s'agit du premier roman, mais aussi la maturité d'un récit dont la rédaction a nécessité des années et des années de travail - Donna Tartt met en moyenne une dizaine d'années à écrire chacun de ses romans. Voilà -. Le roman est ainsi profondément jouissif, se moque de la morale, sans non plus verser dans la provocation gratuite. Il titille le lecteur, le malmène, le pousse au bord du malaise en le rendant complice de l'innommable. Il dérangera peut-être, happera certainement, et fera dans tous les cas vivre une expérience de lecture assez rare. A découvrir absolument.
Commentaires
Enregistrer un commentaire