Un certain M. Piekielny de François-Henri Désérable - Chronique n°374

Titre : Un certain M. Piekielny 
Auteur : François-Henri Désérable
Genre : Contemporain
Editions : Gallimard (collection Blanche)
Nombre de pages : 270
Lu en : français
Résumé : «"Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M. Piekielny..." 

Quand il fit la promesse à ce M. Piekielny, son voisin, qui ressemblait à "une souris triste", Roman Kacew était enfant. Devenu adulte, résistant, diplomate, écrivain sous le nom de Romain Gary, il s’en est toujours acquitté : "Des estrades de l’ONU à l’Ambassade de Londres, du Palais Fédéral de Berne à l’Élysée, devant Charles de Gaulle et Vichinsky, devant les hauts dignitaires et les bâtisseurs pour mille ans, je n’ai jamais manqué de mentionner l’existence du petit homme", raconte-t-il dans La promesse de l’aube, son autobiographie romancée. 

Un jour de mai, des hasards m’ont jeté devant le n° 16 de la rue Grande-Pohulanka. J’ai décidé, ce jour-là, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny.»

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Un écrivain mythique, décédé depuis presque quarante ans. 
Un autre, plus jeune, dont le nom fait plutôt penser à celui d'un illustre intellectuel du XIXème siècle qu'à celui du tout juste trentenaire qu'il est en réalité. 

Et leur rencontre improbable, autour de la figure d'un vieil homme emporté par les griffes de l'histoire. 

Attention, alerte adoration excessive.
J'aime ce livre. 

Un certain M. Piekielny réjouit, émeut, survolte, 
C'est un roman qui donne envie de lire. C'est un roman qui donne envie d'écrire. C'est un roman qui donne envie de vivre. 

Au départ, un jeune homme quelque peu égaré dans les rues d'une ville inconnue, avec quelques heures à tuer. Et puis, sans même l'avoir prévu, ce jeune homme, qui deviendra auteur et narrateur d'Un certain M. Piekielny, se retrouve rue Grande-Pohulanka, devant l'immeuble même qui a hébergé Romain Gary à l'époque où il était encore Roman Kacew, et sa mère Mina. 

Mais curieusement, le nom qui ne cesse de se rappeler à la mémoire de notre narrateur est celui d'un certain M. Piekielny, cet ancien voisin de Gary, qui a droit à quatre pages à peine dans La Promesse de l'Aube. Piekielny, un homme aussi discret qu'une petite souris grise, aussi convaincu des succès futurs du petit Roman que la mère de ce dernier. Un condamné à l'anonymat qui aurait demandé à Gary de répéter son nom aux futurs grands de ce monde. Juste un rappel. Une petite phrase, chuchotée au creux de l'oreille de De Gaulle ou Kennedy, pour échapper à l'oubli, aux camps dans lesquels l'on apprend que l'ancien voisin de Gary a été assassiné. 

"Au numéro 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, vivait un certain M. Piekielny..."

Et le charme opère.
Charme de la mémoire, de l'anecdote qui se teinte d'universalité, de la fiction qui se mêle au réel sans que l'on ne trouve finalement grand-chose à y redire. 

Une histoire qui inspire, une fable qui fait vivre. 

Un narrateur qui finalement parle sans doute beaucoup si ce n'est exclusivement de lui à travers sa quête de l'homme-souris, de ses égarements et de ses passions. 
Une plume qui saisit, fait rire, rêver, voyager à travers des décennies, des mots qui laissent le passé se heurter au présent dans la plus mélancolique des harmonies, un récit dont on ne sait plus vraiment de qui il raconte l'existence.

Est-ce celle de Gary, de Désérable, de Piekielny, des trois à la fois, du reste du monde, en fait, peu importe. Ce qui compte est la portée évocatrice de ces parcours, les instincts qu'ils réveillent chez le lecteur, l'enthousiasme et la rêverie sans objet que l'on ressent une fois la dernière page tournée. Un mélange subtil et contagieux de mal du siècle, de regret et d'ambition. 


Il faut lire Un certain M. Piekielny, quitte pour certains à être déstabilisés par cet ouvrage qui peut paraître à tort un peu désincarné, sans objet ni attaches. Au contraire, c'est un texte follement passionnant qui révèle une vérité de laquelle on se détourne trop souvent, celle de notre point commun à nous autres humains, notre tristesse de savoir nos vies absurdes, et notre joie de savoir que nous chercherons toujours avec le même enthousiasme le moyen de les rendre signifiantes. 

                            ★

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